La région de l’Estrie / des Cantons-de-l’Est, une réussite québécoise inspirante
La région de l’Estrie / des Cantons-de-l’Est, qui est située au sud du Québec, à la frontière des États américains du Vermont et du Maine, a engagé une démarche d’attractivité en profondeur depuis mars 2018. Dès son démarrage, j’ai eu l’opportunité d’échanger avec quelques-uns de ses initiateurs. Aujourd’hui, la directrice générale de l’organisation qui porte cette démarche, Vanessa Cournoyer-Cyr, a accepté d’échanger avec moi sur l’état d’avancement et le devenir de leur projet. Passionnant.
1 Posons le décor : une région aux deux noms
La région estrienne porte en fait 2 noms. Estrie est utilisé pour exprimer les champs d’activités administratifs (éducation, municipalités, économie, etc.) tandis que les Cantons-de-l’Est, qui était le nom officiel de la région jusqu’en 1981, est utilisé pour faire rayonner ses atouts touristiques (voir le site touristique). Sherbrooke est la ville principale de cette région et la plus connue.
L’Estrie couvre plus de 12 000 km², l’équivalent de l’Ile-de-France, et compte 500 000 habitants. Cette région comprend 9 territoires (MRC) et 118 municipalités. Elle se classe à la quatrième place des destinations touristiques du Québec.
La stratégie d’attractivité a retenu « Estrie / Cantons-de-l’Est » pour désigner la destination à l’extérieur et à l’intérieur de la région, ainsi que pour mobiliser les forces vives territoriales.
2 Rapide historique de la démarche
La démarche s’est articulée autour de six grandes étapes de mars 2018 à décembre 2020, mois de création de la toute première organisation dédiée à l’attractivité au Québec et baptisée « Vision Attractivité ». La mobilisation de plus de 200 acteurs issus de tous les secteurs (municipalités, organisations de développement, maisons d’enseignement, entreprises, etc.) socioéconomiques de la région lors d’événements régionaux a permis de mettre en place une stratégie répondant aux besoins du milieu (Pour en savoir plus). L’ambition de mutualiser les moyens et efforts en faveur de l’attractivité régionale et des territoires était un élément clé à la fédération des acteurs.
3. Les missions et moyens de Vision Attractivité
Fondée en 2020 avec un démarrage opérationnel en 2021, Vision attractivité est une organisation à but non-lucratif qui vise à concerter et mobiliser ses partenaires au niveau de l’attraction, la rétention et l’accueil de travailleurs, résidents, entrepreneurs, étudiants et visiteurs et renforcer le caractère compétitif et attractif de la région de l’Estrie/Cantons-de-l’Est. Vision Attractivité a aussi comme mission de positionner et de faire rayonner la région et ses territoires, ici comme à l’international.
Vision Attractivité traduit par ses actions la vision commune des partenaires en matière d’attractivité afin de permettre à la région de demeurer vivante, attractive et dynamique dans le but de faire face à la pénurie de main-d’œuvre et de soutenir la vitalité du territoire.
Pour atteindre ses objectifs, cette organisation repose sur une petite équipe de trois personnes et bénéficie de l’appui de son large réseau de partenaires.
L’organisation est soutenue financièrement par divers bailleurs de fonds ministériels, en plus de proposer une offre de services aux partenaires terrain.
4. La crise Covid et ses conséquences
Comme en France, l’impact de la crise Covid sur les comportements a été visible. Le besoin de prospecter des actifs pour venir s’installer dans la région a changé de nature car nombre de citadins ont décidé spontanément de s’éloigner des centres urbains. Proche de Montréal et de la ville de Québec, et dotée de nombreux atouts, la région estrienne bénéficie naturellement d’un afflux plus important de populations.
Très rapidement, la stratégie d’attractivité résidentielle s’est ajustée à cette nouvelle donne en misant davantage sur l’offre d’accueil à destination des personnes potentiellement intéressées par la région, mais aussi en intensifiant les actions pour les ancrer dans le territoire. En effet, s’installer dans une nouvelle région transforme de nombreuses habitudes et il est essentiel d’accompagner le développement de nouveaux liens d’ancrage des nouveaux arrivants. A l’inverse, les efforts de prospection à l’extérieure se sont réduits et concentrés en grande partie sur le marché principal et le plus proche : la région de Montréal.
Cette évolution a aussi poussé l’organisation à traiter de manière plus fine les réponses aux besoins locaux, notamment en matière de recrutement de profils précis ou d’accueil de populations dans des lieux où les services publics souffrent d’une faible densité d’habitants.
5. Les deux portails Internet de la démarche
Le premier portail, Vision attractivité, est destiné aux acteurs qui portent la démarche ou qui s’y intéressent en tant que tel (municipalités, organismes de développement, journalistes, entreprises locales, marketeurs territoriaux, etc.). C’est un outil collectif au service de la communauté des acteurs de l’attractivité.
Le portail d’attractivité régionale s’adresse quant à lui aux cibles de la stratégie mise en place. Il a été lancé en février 2024. Destiné à de futurs résidents et travailleurs de la région, ce site web offre une vitrine complète sur les 117 municipalités qui composent la région. Il a été réalisé grâce à la participation financière du Gouvernement du Québec et du groupe financier coopératif Desjardins. Plus précisément, ce portail web a pour mission de mettre en lumière l'éventail des possibilités d'établissement dans la région, mettant en valeur les attraits du territoire, son dynamisme économique, ainsi que la qualité de vie offerte. Riche en contenus, les visiteurs y trouveront une mine d'informations sur les différents aspects de la vie en Estrie, que ce soit sur le plan résidentiel, professionnel, des études ou récréatif.
6. Une action récente : le LAB Marque employeur territoriale
A l’instar d’autres initiatives françaises, mais avec un rythme soutenu de mise en œuvre, Vision Attractivité a créé un Lab marque employeur territoriale. Initié en 2023 avec un projet pilote, cette initiative repose sur la programmation d’activités sur la thématique de la marque employeur territoriale. Au menu de 2024, une série de 4 ateliers de réflexions/actions pour actualiser les connaissances d’employeurs sur l’évolution du concept de marque employeur et amplifier leurs stratégies d’attraction et de rétention de main-d’œuvre, en combinant la qualité de vie au travail et la qualité de vie dans la région. Concrètement les ateliers comprennent :
- Les attentes des candidats en 2024 sur leurs aspirations professionnelles et personnelles.
- Les fondements d’une véritable marque employeur et sa transformation vers la marque employeur territoriale.
- Les liens avec le territoire et les partenaires dans les parcours candidats et recruteurs.
- Les meilleures pratiques en matière de marque employeur territoriale.
- Les premières étapes de la feuille de route des participants pour amplifier vos stratégies de recrutement de talents à partir de votre marque employeur et des atouts et attraits du territoire.
Une première cohorte va démarrer cet automne et la participation est payante.
Cette initiative va permettre de renforcer la compétitivité des entreprises régionales, notamment les TPE, en améliorant leurs performances d’embauche grâce à la mise en valeur du territoire dans leurs stratégies d’attraction, d’accompagnement et de fidélisation.
7. Quelques enseignements en guise de conclusion
En synthèse, l’expérience de Vision Attractivité et de sa démarche collective montre que pour réussir, il est nécessaire de se donner du temps au départ pour co-construire un projet autour d’une vision commune et d’adopter une vision holistique de l’attractivité. Par la suite, il est également important que la structure de coordination adopte un mode agile et surtout une très forte écoute tant des interlocuteurs qu’elle accompagne que de ses partenaires et financeurs. Enfin, le retour d’expérience de Vision Attractivité montre également l’intérêt d’une approche fondée sur des petits pas, assurés et apporteurs de victoires, plutôt que de tout miser sur « le grand soir de l’attractivité ». Mettre un écosystème en mouvement est plus une affaire de dialogue réussi entre les parties-prenantes que de communication, fusse-t-elle la plus belle.
N'hésitez donc pas à suivre cette démarche inspirante à plus d’un titre.
Vincent Gollain
Propos recueillis et analyse documentaire réalisés en octobre 2024