Les totems de l'UEFA Euro 2016
Une étude réalisée par le Centre de Droit et d'Économie du Sport (CDES) de Limoges pour le compte de l’UEFA montre le fort impact économique de l’EURO 2016 sur la croissance et l’emploi. Ainsi, au total, selon cette enquête (voir PJ), EURO 2016 apportera un surcroît d’activité économique de 1,2 milliard d’euros qui se décomposent ainsi :
- les dépenses réalisées par les visiteurs dans les stades et les fans zones sont estimées à 800 millions d’euros, dont 200 pour les fans zones ;
- les marchés adressés aux entreprises françaises dans le cadre de l’organisation de l’EURO 2016 sont estimés à 400 millions d’euros.
Outre les retombées économiques, l'Euro 2016 est également une formidable occasion pour les villes françaises de se promouvoir à travers notamment l'utilisation d'un totem urbain proposé par l'UEFA. Que peut-on en attendre ? Retrouvez ci-après l'analyse de Charles-Edouard Houllier-Guibert, maître de conférences en Stratégie et Territoire à l’université de Rouen, que je remercie à nouveau pour sa contribution.
Considérée comme majeure en matière de médiatisation, la coupe de l’UEFA est organisée tous les 4 ans dans un ou deux pays européens. En 2016 en France, l’événement prend de l’envergure avec 24 équipes en compétition contre 16 auparavant. Les 10 villes d’accueil (Saint-Denis, Paris, Lille, Lens, Lyon, Saint-Étienne, Nice, Marseille, Toulouse, Bordeaux, tandis que Rennes, Nantes, Nancy et Strasbourg ne sont finalement pas concernées) vont recevoir une multitude de visiteurs des pays étrangers pour soutenir leur équipe. C’est l’occasion de présenter la ville sous le meilleur jour afin de susciter l’envie de revenir dans le cadre d’activités de tourisme.
L’attractivité est devenue un objectif stratégique des territoires, dont les enjeux sont pratiques pour justifier le renouvellement de l’action publique locale. Les métropoles essaient de suivre cette voie davantage par le vecteur de l’attrait que celui de l’attraction. L’attraction est la part mesurable de l’attractivité, basée sur des données chiffrées, quantifiables, accordant une primauté à l’idée de croissance. Difficile à obtenir à l’échelle urbaine des villes françaises, ces dernières sont incitées à orienter leurs objectifs d’attractivité sur l’autre pan qu’est l’attrait. L’attrait est la part qualitative de l’attractivité, elle repose que les enjeux d’image, le sentiment d’appartenance et ce que l’on appelle l’« esprit des lieux ». Les métropoles ont une culture de l’image assez développées, notamment grâce aux politiques de promotion du territoire mais aussi via la constitution d’espaces centraux qui s’embellissent, se ludifient, en tant qu’espaces de consommation constitutifs d’ambiances urbaines. Ce que l’on peut appeler aujourd'hui les espaces récréo-touristiques se traduisent en France par la piétonisation des centres-villes, le déploiement des mobilités douces (tramway, piste cyclable, zone de rencontre, aménagement des quais…) et l’événementialisation des lieux (Paris Plage, festivals, courses en ville…).
L’UEFA, en tant qu’organisateur général de l’événement sportif d’envergure, a offert un cadeau à chacune des villes, une année avant le lancement de la compétition le 10 juin 2016. Il s’agit de marquer l’avant-événement en occupant l’espace avec un objet très visible à installer dans la ville.
Nous les appelons des totems. Placés dans des lieux variés de la ville, ils incarnent en amont l’accueil du championnat. Auprès des stades où auront lieu les matchs (Nice), sur les places centrales des villes (Toulouse, Lille), devant la gare (Saint-Etienne) ou bien en mode nomade sur l’ensemble des communes de l’intercommunalité (Bordeaux), chacun de ces totems essaie de se rendre visible tant auprès des habitants que des visiteurs. L’idée a notamment été que chaque totem puisse symboliquement localiser, pendant l’événement, les fan-zones tant débattues actuellement. Ces regroupements de plusieurs milliers de spectateurs devant un écran géant lors des grands événements sportifs ne sont pas accolés au stade où se joue l’épreuve mais sont plutôt au cœur des villes, renforçant certaines centralités urbaines et proposant une expérience alternative au match, plus basé sur l’ambiance collective et aussi métropolitaine : après le match, les membres de la fan-zone peuvent déambuler dans les rues pour exprimer leurs émotions. Durant le mois de compétition du championnat, ces espaces devraient accueillir plus de 7 millions de personnes, bien plus que les 2,5 millions de spectateurs attendus dans les stades. Dans le cadre de l’état d’urgence promulgué suites aux attentats de Paris, le dispositif de sécurité est drastique (espaces clos, détection éventuelle d'objets métalliques, palpations systématiques à l'entrée, vidéosurveillance, interdiction de bagage ou sac, palissades pour délimiter un périmètre, drones de surveillance…), avec la menace d’une interdiction de ces lieux festifs trop difficile à sécuriser. Finalement les totems, prévus pour une lisibilité de l’événement en ville, ont un rayonnement atténué par l’enjeu de la sécurité.
Outre le pré-événement et le pendant-événement, la taille de ces objets tricolores, tous identiques, sans toponyme, va-t-elle trouver sa place dans l’espace public après l’événement ? Autour du stade par exemple ?
Pour en savoir un peu plus sur ces objets que sont les totems urbains, voici un texte complet sur 20 d’entre eux dans le monde, dont ce tableau fait la synthèse. Une partie de ce travail est publié dans la revue Espaces, Tourisme et Loisirs de juin 2016 sous l’intitulé Le totem urbain, outil d’appropriation de la ville.