Comment dynamiser l’expérience vécue de son territoire ? Sources d’inspirations

Remise en contexte
Depuis plusieurs années, les marketeurs territoriaux et acteurs de la communication territoriale se sont lancés dans des approches fines, au sens géographique, pour construire des démarches visant à accroître l’attractivité territoriale de centres villes, quartiers spécifiques y compris « sensibles », campus universitaires, quartiers culturels et créatifs, etc. Les approches du placemaking, de l’urbanisme tactique, de la concertation territoriale ou du design ont été mobilisées pour construire ou renouveler celles déjà existantes. 
Dans le même temps, les acteurs de l’aménagement (SEM, foncières, promoteurs, agences d’urbanisme, etc.) ont engagé un chemin inverse pour mieux intégrer les enjeux d’attractivité et la prise en compte des usages dans leurs approches. L’urbanisme transitoire (voir Carnet Pratique) offre une illustration particulièrement réussie de cette approche car elle permet aux urbanistes publics et privés de mieux prendre en compte la diversité des usages dans le projet d’aménagement projeté. 
Quel que soit le point de départ, dans tous les cas, ces démarches permettent de mieux prendre en compte les attentes des publics, utilisateurs et cibles marketing des lieux considérés pour améliorer l’intensité proposée en matière de convivialité et agir sur le niveau d’attractivité.
Cet article se propose de mettre en perspective l’apport de ces différentes approches pour vous offrir une vue d’ensemble qui permette d’articuler les compétences des marketeurs territoriaux avec celles de ceux qui fabriquent ou transforment les territoires . Il s’appuiera sur certaines études et initiatives que j’ai pu mener à titre personnel ou diriger dans le cadre de mes activités à l’Institut Paris Region. Certains de ces travaux ont déjà été présentés sur ce blogue, mais par petites touches. Avec cet article, vous aurez une vue d’ensemble et disposerez d’éléments clés d’une boîte à outils pour vous inspirer, voire vous aider à aller plus loin dans les mises en attractivité et convivialité de territoires.
Enfin, et c’est essentiel à prendre en compte, n’oublions pas que ces évolutions se situent dans un contexte global marqué par de profondes transformations (transition écologique, digitalisation toujours croissante, vieillissement de la société) qui imposent également de revoir fondamentalement les modes de faire en matière de développement des territoires pour passer d’un modèle extensif à un modèle plus intensif mais aussi qualitatif. 
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Le parcours client se situe au cœur de l’articulation entre les démarches globales d’attractivité et l’expérience vécue
J’ai l’occasion de présenter régulièrement l’approche client appliquée au marketing territorial en partant notamment de la parution réalisée avec Marion Tillet et Laurent Queige du Welcome City Lab pour le tourisme en 2015 et déclinée depuis pour d’autres segments de marché (article).
Le graphique ci-après reprend les 5 grandes étapes du parcours client et montre l’articulation entre les étapes 1 (aspiration), 2 (prise de décision), 3 (préparation de la visite) et 5(post-séjour), qui correspondent souvent aux actions d’attractivité, avec l’étape 4 (visite) de « l’expérience vécue » dont l’intensité repose sur l’action plus ou moins coordonnée de nombreux acteurs. 

Pour bien comprendre les enjeux de l’étape 4, il va falloir sortir des certitudes parfois profondément ancrées sur les rôles de chacun. La « grande famille » des acteurs de l’aménagement (collectivités territoriales, urbanistes, architectes, aménageurs, développeurs, promoteurs, EPF, etc.) joue un rôle clé dans cette étape tant lorsqu’il s’agit de sites à créer que de sites à redévelopper comme des friches. Mais, aujourd’hui, et encore plus demain, un aménagement réussi sur la forme n’est pas uniquement ce que les publics recherchent. Ils souhaitent aussi trouver une ambiance, développer des interactions sociales, se donner de nouvelles occasions de partager, … bref à vivre une belle expérience. C’est pourquoi, l’expérience vécue ne repose pas uniquement sur une approche « physique » de nature « Brick and Mortar », même en y ajoutant des écologues pour la verdir ! Il faut la travailler par des techniques qui vont associer des dimensions complémentaires pour créer une expérience globale forte et positive. C’est le rôle des « ambianceurs de territoires » (designers, marketeurs, communicants, créatifs, etc.) qui s’intéressent aux usages des lieux. L’article réalisé avec Wided Batat « Le mieux-être territorial au cœur des stratégies expérientielles »  explore cette dimension et vous donnera des illustrations françaises et internationales.

La méthode IDEES pour réenchanter

Pour parvenir à dynamiser l’expérience vécue à 360°, je propose d’utiliser la méthode IDEES  comme clé de lecture voire même feuille de route (voir ici). Elle se décline autour de 5 grandes composantes :

• L'Identité du site, c’est-à-dire ce que les personnes ressentent là où elles se trouvent. Cette identité peut être travaillée notamment par des techniques de marketing territorial, de design urbain et de placemaking. L’une des questions clés est souvent liée à la nature de l’identité à (re)construire et à projeter à travers un "storytelling" attractif.
• Le Décor correspond à la partie physique la plus visible par les visiteurs : des paysages, un grand équipement, le style architectural de bâtiments, les activités économiques présentes et des objets emblématiques comme un pont, les devantures, l'habillage des chantiers, etc. A Pau, le Boulevard des Pyrénées offre un spectacle étonnant sur la chaîne des Pyrénées qui marque cette partie du centre-ville. Le décor comprend aussi des éléments partiellement cachés à la vue comme un réseau de métro dont on ne voit que les entrées et les stations. 
• Les Espaces ouverts, publics ou privés, sont les lieux que les individus peuvent parcourir librement. Ils accueillent des objets de convivialité comme des bancs, lampadaires, oeuvres d'art, panneaux de signalétiques, espaces verts, etc. Parfois fonctionnels ou chaleureux, les espaces ouverts jouent un rôle clé dans la conviviativité d’un lieu public. Le «Carnet d’inspiration pour des espaces publics conviviaux»  sera une source utile pour vous aider à identifier le bon objet au bon endroit !
• Les Evénements et activités recouvrent les animations proposées aux publics, qu'elles soient ponctuelles, semi-permanentes ou permanentes. La fréquentation d’un site peut être stimulée par un vide-greniers annuel, la présence régulière de food-trucks ou l'installation permanente de jeux d'enfants. Les activités proposées peuvent être non marchandes. Les événements, qu’ils soient de portée locale à internationale, contribuent à l’attractivité du site. En plus du carnet d’inspiration, notre étude sur l’économie éphémère peut être intéressante pour identifier les moyens de dynamiser un site. 
• Les Services correspondent aux modalités de relation entre le lieu public et ses utilisateurs. Ils sont physiques (espace d’accueil, personnels mobiles comme les volontaires du tourisme, etc.) ou numérique (bornes d’accueil, services en ligne, etc.). Ces services permettent d'améliorer l'expérience des personnes avant, pendant ou après leur venue. Pour qualifier l’hybridation des services physiques et digitaux afin d’améliorer encore plus l’expérience, on utilise souvent la notion de services phygitaux.

L’application de la méthode IDEES facilite le dialogue entre les acteurs de l’attractivité et ceux de l’aménagement.

Exemples de mises en convivialité et attractivité d’un site ayant une vocation spécifique
Les sites à réenchanter ne se ressemblent pas. Pour vous aider dans vos réflexions, et compléter l’analyse précédente, je vous propose d’étudier un ensemble varié d’exemples, chacun pouvant vous apporter des éléments enrichissants. Pour chacun d’entre eux, les enjeux d’attractivité et de convivialité sont importants :

• Les campus universitaires sont de plus en plus l’objet d’enjeux d’attractivité (étudiants, enseignants, chercheurs, entrepreneurs, etc.) et de rayonnement. A l’Institut nous avons proposé le modèle d’un «Campus idéal»  qui, en s’inspirant de bonnes pratiques françaises et internationales, ouvrent les voies d’une vie de campus forte et attractive. Un guide pour l’aménagement des sites universitaires est également disponible en ligne .
• Les Centres villes font l’objet depuis plusieurs années d’attentions renouvelées et de politiques actives de redynamisation. Avec le Carnet Pratique « Redynamiser les cœurs de villes » , vous trouverez un cadre opérationnel et stratégique vous permettant d’explorer différents types d’actions réussies en France. La Note Rapide « Une expérimentation à Evry-Courcouronnes pour développer l’attractivité de Grand Paris Sud »  (Décembre 2021) présente un cas concret associant une démarche de redynamisation territoriale avec une démarche d’attractivité économique (inter)nationale.
• Les destinations touristiques ont aussi des enjeux spécifiques. Outre la note rapide sur le parcours client déjà mentionnée, je vous invite à lire l’article de la Revue Espaces de 2021 qui s’intéresse au réenchantement des lieux publics touristiques .
• Les places aéroportuaires, c’est-à-dire les aéroports avec leurs territoires environnants, sont devenues (hors période de Covid ) des accélérateurs d’attractivité territoriale. Trop fonctionnels dans leurs conceptions originales, ils doivent aujourd’hui trouver un nouveau souffle pour être plus conviviaux et attractifs. Le guide paru en 2018 « Vers des places aéroportuaires durables »  offre un regard à 360 °sur les possibilités de développement ;
• Enfin, les sites culturels deviennent également des enjeux clés en matière de convivialité et d’attractivité, qu’ils soient des « Quartiers Culturels et Créatifs »  ou des lieux culturels cherchant à devenir des destinations (voir nos exemples en Ile-de-France ou dans le monde).

Les exemples précédents ne couvrent pas l’intégralité des travaux menés ou des thématiques à couvrir, mais vous offrent déjà un large aperçu des travaux publiés ou en cours et pourront, je l’espère, vous inspirer. 
Je vous souhaite d'excellentes lectures !

Vincent Gollain, décembre 2021