Annecy, modèle de développement d'un écosystème territorial créatif et attractif
J’ai eu l’occasion de découvrir in situ cette année le Marché International du Festival d’Animation (MIFA) à l’invitation de l’équipe de CITIA. Né en 1985 sur les acquis du festival international de l’animation, qui avait été créé en 1960, il s’agit de l’événement professionnel de référence dans ce domaine. Le MIFA est un marché international bien connu de mes collègues du pôle de compétitivité Cap Digital et de la Commission du Film Paris Region. Je vous laisse découvrir sa richesse sur le site Internet de l’édition 2019. Retenez simplement que le marché rassemble 913 exposants, 492 acheteurs et distributeurs, 82 pays représentés, 4 140 personnes accréditées.
J’y étais pour une conférence très intéressante, « Régions vs. le reste du monde : quelles stratégies territoriales pour favoriser le développement des entreprises ?», sujet que je suis particulièrement depuis mon implication directe dans la création de Cap Digital en 2005. J’ai eu l’occasion de mettre en ligne une courte présentation de mes réflexions récentes sur le rôle des écosystèmes d’innovation dans la croissance d’un territoire (cf ci-dessous).
Cette visite a aussi été l’occasion d’échanger sur la stratégie de développement de l’écosystème annécien avec Mickaël Marin et Yannick Heude, respectivement Directeur et Responsable du développement économique de CITIA, mais aussi avec Monsieur Dominique Puthod, Maire de la commune déléguée d’Annecy et Président de CITIA. Ces conversations, très riches, m’ont permis de tirer plusieurs constats que je vous livre ici.
Premier constat, si un événement professionnel comme le MIFA est un levier indéniable d’attractivité pour le bassin annécien, de par ses retombées en matière d’image, de dépenses directes et indirectes, … ce n’est pas un élément suffisant pour créer un écosystème local. Alors comment s’y prennent-ils pour construire, mois après mois, année après année, un écosystème centré sur les métiers de l’animation ?
Le rôle du temps et la dynamique de structuration progressive d’un outil d’animation des acteurs sont essentiels pour comprendre la situation d’Annecy. La vision des fenêtres d’opportunités offertes par cette thématique remonte à avant 2006. Annecy disposait alors de deux associations : le CICA (Centre International du Film d’Animation), chargé du Festival et du MIFA, et le PUMMA (Plateforme des usages du multimédia), chargé de développer le multimédia sur le territoire. C’est en 2006 que la Ville d’Annecy et son agglomération, le Département de Haute-Savoie, la Région et le Ministère de la Culture décident de fusionner ces 2 structures pour donner un nouvel élan. CITIA était né avec l’ambition de travailler selon trois axes : la culture (élargir l’audience de l’animation), le développement d’une offre de formation initiale et continue et le développement de la filière des industries créatives. Doté en 2019 d’un budget de 5,7 millions d’euros, cette structure emploie en moyenne 42 permanents et dispose donc de moyens au service de cette ambition. Son slogan est d’ailleurs : « Pour une politique ambitieuse au service des industries créatives, à Annecy et à l'international ».
Depuis plusieurs années, en connectant les réseaux locaux, nationaux et internationaux, CITIA facilite le développement de l’écosystème annécien et sa reconnaissance parmi les pôles français qui comptent dans le digital. On retrouve ici le métier de base d’un outil au service du développement économique et territorial : animer le territoire en facilitant les mises en relation internes et externes. En 2018, CITIA a organisé 60 événements et 30 visites de délégations.
Mais l’animation ne fait pas tout. Il est nécessaire de faciliter l’accueil et le développement des entreprises et organismes de formation. C’est chose faite depuis 2015 avec un lieu situé à 10 minutes du centre-ville à pied : les anciennes halles des machines des papeteries de Cran-Gevrier qui ont été entièrement réhabilitées pour rouvrir sous le nom de Papeteries – Image Factory. Elles accueillent désormais les entreprises de l’Image et des industries créatives. CITIA assure l’animation du lieu. Plus précisément, Le bâtiment présente des atouts considérables, à proximité d’Annecy, et propose un écosystème favorable au développement des entreprises des industries créatives (audiovisuel, animation, multimédia, jeux vidéo, transmédia, web, mobile…). À disposition au cœur de ces 7 000 m2 de locaux modulaires :
• un hôtel d’entreprises avec des bureaux en location ou acquisition
• un incubateur d’entreprises (fin septembre 2019)
• une pépinière d’entreprises dédiée au développement de start-up
• un centre de ressources avec salle de réunion, salle de projection et salle de création
• la résidence Les Pixels avec 28 logements T1 et T1bis
• des écoles et organismes de formation (CCI Formation, Gobelins l’école de l’Image, Le campus numérique in the Alps)
Depuis novembre 2018, le territoire porte un projet ambitieux : la création d’une Cité du cinéma d’animation en plein cœur d’Annecy, dans un écrin de verdure de 2,6 hectares et dans des bâtiments inscrits à l’inventaire des monuments historiques. La construction du haras où se situera la Cité, qui remonte à 1885, est contemporaine de la naissance du cinéma. Le haras a été acquis par la Ville d’Annecy en 2013 et la transformation de ce site, témoin du patrimoine du 19e siècle, répond à trois enjeux :
• la restauration d’un patrimoine de 6 500 m² et la valorisation d’un parc de 2,6 ha ;
• l’ouverture du site afin que celui-ci soit un lieu de vie, de rencontres et de partage, avec l'installation notamment d’une halle gourmande ;
• et enfin, la création d’un lieu emblématique, spécialisé et unique en Europe, la Cité du cinéma d’animation.
(c) CITIA - Ville d'Annecy pour le plan masse et (c) Devaux & Devaux pour les images 3D du projet Haras, 2019
Fruit des efforts consacrés, l’écosystème des industries culturelles et créatives du bassin annécien s’est développé. Selon les derniers chiffres connus, en 2014, cette filière Image et industries créatives compte 1 260 emplois en équivalent temps plein et 310 entreprises identifiées en Haute-Savoie ; près de 2 entreprises sur 3 sont installées sur le bassin annécien. Preuve du dynamisme local, le studio d’Ubisoft, qui a commencé avec 6 membres en 1996, compte 22 ans plus tard 230 personnes. Sur le site des Papeteries, se trouvent désormais 300 personnes, 145 étudiants et 55 entreprises.
Les enjeux d’avenir sont multiples pour le développement de l'écosystème innovant d'Annecy basé sur la filière de l'animation. Ils peuvent être résumés autour des 6 points suivants :
- Poursuivre le développement des formations pour répondre aux besoins des entreprises ;
- Attirer et garder les talents en s’appuyant notamment sur les haras comme levier pour attirer des artistes et créatifs ;
- Renforcer l’attractivité du territoire auprès des entreprises par une politique de marketing territorial et la poursuite du développement des Papeteries – Image Factory ;
- Anticiper la croissance des entreprises en développant l’offre proposée à travers le parcours résidentiel destiné aux entreprises de l’incubation à leur développement ;
- Insérer dans l’espace public de l’agglomération des références explicites à la filière image considérant qu’elle devient désormais en élément clé et permanent de l’identité du territoire ;
- Et enfin, profiter du 60ème anniversaire du Festival pour révéler l’accélération du développement et du rayonnement de la filière des industries culturelles et créatives.
Vincent Gollain, juillet 2019
Remerciements à l’ensemble de l’équipe CITIA et notamment à son directeur Mickaël Marin