Le « Paris autrement » de Nicolas Le Goff, une autre vision attractive de Paris
Nicolas Le Goff a publié il y a quelques jours la 3ème édition de son ouvrage proposant 10 promenades dans les quartiers qui réinventent l’Est Parisien. Une vision d’un autre Paris, un regard sur une attractivité différente de la métropole. Découvrons avec lui, autour de 7 questions, son ouvrage mais aussi sa vision de l’attractivité des lieux qui font l’identité d’un territoire.
Nicolas Le Goff, vous venez de publier la 3ème édition du guide l’Autre Paris. Que proposez-vous dans cet ouvrage ?
Très simplement, j’y propose des parcours urbains qui débutent là où, généralement, les touristes s’arrêtent, et les emmènent à la découverte de quartiers plus excentrés, afin de dépasser les représentations traditionnelles de la capitale.
En effet, Paris est une ville multiple, diverse, en évolution constante. Chacun s’en fait sa propre expérience : Paris ne se laisse pas résumer en une seule image. Or, il se trouve que les guides touristiques traditionnels me semblaient trop souvent réduire la capitale à ses beaux quartiers centraux et se focaliser sur les monuments phares, les musées incontournables – que j’aime beaucoup par ailleurs - mais qui réduisaient Paris au cliché de carte postale ; un cliché qui manquait peut-être un peu de vibrations, d’incarnation. Dans cet ouvrage je m’efforce de mettre en lumière un Paris de l’innovation, de la création artistique et des nouveaux usages urbains, que ce soit en matière de lieux de sociabilité, de scénographie de l’espace public ou d’écologie urbaine….
Le territoire que je couvre est le fruit d’un double mouvement du regard sur la capitale : j’opère à la fois une translation vers l’Est et, parallèlement, je change d’échelle, je « dé-zoome », afin d’embrasser aussi des territoires situés de l’autre côté du boulevard périphérique. L/Autre Paris fait le lien avec la banlieue parisienne, avec des villes telles que Les Lilas, Pantin, Le Pré-Saint-Gervais, Ivry…
L/Autre Paris c’est donc aussi une introduction au Grand Paris de demain, à hauteur de piéton. J’invite ainsi les visiteurs à faire un pas de côté, pour élargir ou renouveler leur expérience de Paris.
Quelles sont les nouveautés par rapport aux éditions précédentes ?
C’est une chance incroyable que le guide fonctionne bien en librairie : les réimpressions (2 en un 1 an et demi) me permettent de faire un travail de réactualisation assez fin et de coller au plus près de la réalité du territoire. A Paris, comme dans toutes les métropoles, les choses bougent très vite, les territoires évoluent (notamment « outre-périphérique », dans des villes telles que Pantin, Montreuil ou Saint-Ouen). De nouveaux bars et restaurants fleurissent, d’autres ferment ou se réinventent. C’est également le cas avec les lieux d’urbanismes transitoires, ces friches culturelles et sociales qui voient le jour pour une durée limitée. Prenez Ground Control, ce lieu culturel et festif déployé sur un site de la SNCF dans le 12eme arrondissement : depuis sa phase de préfiguration à l’hiver 2016-2017 (période où je bouclais la première version de L/Autre Paris), le projet a pris de l’ampleur : j’ai pu me faire l’écho, à chaque réimpression, de l’évolution de ce lieu qui attire aussi bien les franciliens que les visiteurs.
Concrètement j’ai pu ajouter une 30aine de nouvelles adresses (qu’il s’agisse d’un bar solidaire, d’une guinguette numérique, de la terrasse cachée d’un boutique hôtel ou d’une « cantine-coworking-atelier d’artistes ») et renouveler l’iconographie (une cinquantaine de nouvelles photos).
D’où tenez-vous cette idée ?
De plusieurs réflexions croisées issues de mon parcours professionnel.
J’ai retenu des 10 années où j’ai beaucoup voyagé à l’étranger pour le compte de Business France, que certaines métropoles étaient plus ou moins habiles pour travailler leur image, valoriser leurs marges, communiquer sur les foyers créatifs ou dynamiques de leurs épicentres. Je tombais parfois sur des guides très originaux, excellents outils pour sortir des sentiers battus du tourisme de masse. Je trouvais que l’équivalent n’existait pas spécialement pour Paris. J’ai donc eu la velléité de concevoir l’équivalent parisien du guide que je recherche lorsque je pars à l’assaut d’une ville étrangère.
Mon projet a mûri après mon passage à la Ville de Paris où j’ai travaillé sur les questions d’innovation. Ce fut un excellent poste d’observation - et d’accompagnement - des dynamiques de mutation urbaine qui trouvaient notamment à se déployer hors de l’hypercentre de la capitale (dans les arrondissements à deux chiffres, pour schématiser). J’ai donc eu l’idée d’insérer dans mes parcours, des lieux d’innovation, qu’elle soit sociale, technologique, écologique ou architecturale. Le café d’un lieu de coworking, une ressourcerie installée dans une ancienne gare, un bar solidaire ou un jardin partagé situé sur le toit d’un gymnase contribuent eux aussi à façonner le territoire et à le rendre attractif.
Enfin, j’ai travaillé au Centquatre, un lieu inspirant à tout point de vue. Y étant responsable des questions internationales et des projets d’ingénierie culturelle, j’étais sollicité aussi bien par des délégations étrangères que par des collectivités locales qui souhaitaient en comprendre le fonctionnement et l’ancrage territorial si singulier, afin de s’en inspirer pour créer leurs nouveaux lieux de destination. Cette ruche artistique et innovante a eu un impact fort sur l’évolution du quartier dans lequel elle est implantée. Le Centquatre a généré de nouveaux flux, de nouvelles formes de sociabilité. J’ai eu envie de le raconter tout en le raccordant à son environnement proche (la Gare Rosa Parks, la Halle Pajol, les entrepôts MacDonald…) et d’aborder ce quartier comme une destination touristique à part entière. J’ai renouvelé cette approche sur différents quartiers de l’Est parisien.
Bref, je me suis nourri de toutes ces expériences pour me lancer dans l’écriture de ce guide et dans mon activité de passeur urbain.
Finalement, peut-on dire que vous prônez une forme de tourisme alternatif aux offres standardisées ?
Le terme alternatif est un peu galvaudé, et n’a pas la même acception selon les personnes qui l’emploient. L/Autre Paris ne s’intéresse par particulièrement aux lieux dits « alternatifs ». En revanche, on peut considérer qu’il l’est, dans la mesure où il propose une alternative aux parcours et adresses proposés par les principaux guides généralistes consacrés à Paris. Le fait que l’on y fasse un lien évident entre des quartiers de Paris et des villes de proche banlieue, que des ballades proposent de traverser le périphérique à pied, et que cela puisse même être agréable, me semble assez inédit.
Qui sont vos lecteurs ? Votre ouvrage est-il d’ailleurs disponible en anglais ?
Ce sont pour une bonne part des (grands-)parisiens, mais également des visiteurs venus de régions et, dans une bien moindre mesure, de l’étranger. Ils sont de tous âges. Je redoutais qu’il soit perçu comme un guide réservé à un public de trentenaires parisiens. Mais en fait, je suis heureux de constater qu’il a été adopté aussi bien par des seniors amateurs de randonnées urbaines que par de jeunes européens à la recherche de bons plans. En revanche, leur dénominateur commun est qu’ils sont tous francophones, puisque, à ce stade, le guide n’existe qu’en français. Mais c’est là l’un de mes chantiers : je suis à la recherche de partenaires qui seraient en mesure de soutenir la publication de la version anglaise. Je réfléchis actuellement à un système de préachat par certains grands comptes qui permettrait à mon éditeur de s’assurer de la viabilité économique d’une telle publication.
Pensez-vous que votre guide contribue à élargir la fréquentation touristique de Paris Ile-de-France et ouvrir de nouveaux territoires au tourisme ?
J’espère qu’à sa modeste échelle, il participe de cette dynamique. Cela reste anecdotique mais je suis toujours heureux de recevoir de la part de tel commerçant ou lieu culturel situé en banlieue, une petite photo de visiteurs tenant dans leur main mon guide à la couverture rouge !
Quelles recommandations pourriez-vous faire aux lecteurs de ce blogue et qui souhaitent s’inspirer de votre approche du tourisme ?
Je leur recommanderais de rester en veille sur ce qui se pratique à l’étranger, à s’inspirer des bonnes pratiques en matière de communication tout en restant fidèle à l’identité de leur territoire. De ne pas hésiter à expérimenter de nouveaux outils (numériques, ou pas, je crois que le guide papier à encore sa raison d’être !).
Et puis, je les inviterais également à me contacter pour échanger autour d’un café ! Je serais ravi de réfléchir avec eux à la façon de faire un pas de côté dans leur approche du tourisme culturel.
Pour découvrir l'ouvrage, c'est en cliquant ici.
A noter que début 2019 paraîtra, également aux éditions Parigramme, la version Ouest de L/Autre Paris.