Attachement au territoire et marketing Territorial
Voici ci-après la synthèse d'un rapport de mémoire sur l'attachement au territoire, un sujet encore peu exploré en marketing territorial. Cet article a été rédigé par Ambre Porlan, diplômée du Master en stratégies de communication internationale de l’université de Bourgogne. Ce mémoire de fin d’études a été réalisé sous la direction de Marc Marynower, professeur associé.
Tandis que le marketing territorial cherche à valoriser le territoire pour, d’une part, le rendre supérieurement attractif par rapport à un autre auprès de touristes, d’investisseurs, d’entrepreneurs et habitants potentiels, et, d’autre part, à fidéliser les acteurs qui y sont déjà implantés, la question du ressenti de l’individu vis-à-vis de son territoire a rarement été abordée jusqu’à présent de façon explicite. En effet, la création d’une marque de territoire a pour méthode de faire émerger – au-delà de l’identité – un positionnement pour celui-ci, afin de favoriser l’attachement de ses résidents, de créer des éléments positifs de différenciation et ainsi, de générer une nouvelle force d’attractivité. L’objectif de mon mémoire fut d’analyser plus en profondeur ce qui fonde l’attachement personnel à un territoire et dans quelle mesure cet attachement peut constituer une source d’attractivité.
Dans la réalisation de ce travail, j’ai effectué une étude préalable de la littérature portant sur l’attachement au lieu et sur l’identité individuelle forgée dans un lieu, pour ensuite développer un questionnaire qualitatif me permettant à la fois de confronter l’interprétation des théories rencontrées au cours de mes recherches et de nourrir la réflexion sur les enjeux de l’attachement personnel à un territoire. L’échantillon étudié, pour cette étude qualitative, comportait trente personnes, également réparties dans trois catégories d’âges (20-30 ans, 50-60 ans, 70 ans et plus), englobant ainsi trois cycles de vie différents. Certes, l’étude présente un nombre restreint de participants mais des tendances se sont malgré tout dessinées au fil de l’analyse.
Pour commencer, il est apparu que plusieurs critères peuvent favoriser l’attachement à un territoire. J’ai tenté d’en faire une typologie :
- Les critères subjectifs : ils concernent directement le ressenti de l’individu et peuvent être liés aux racines familiales, à l’enfance, aux souvenirs, aux moments clés dans l’histoire d’une personne, aux liens partagés avec d’autres (famille, amis, rencontres en général).
- Les critères objectifs : ils composent les caractéristiques du territoire, à savoir des spécificités culturelles, un climat et une géographie attractifs, des aménagements particuliers (infrastructure, transport, activités culturelles et récréatives), un patrimoine naturel et historique, gastronomique, etc. C’est tout ce qui concerne à la fois le mode et la qualité de vie.
- Les critères externes : ils renvoient, par effet miroir, une image du territoire à ses propres habitants et passent à la fois par la notoriété et la réputation du lieu et la manière dont il est perçu au-delà de ses frontières.
- Les critères internes : ils font état du sentiment d’appartenance plus ou moins fort que ressent l’individu pour un territoire.
Si le marketing territorial s’est largement emparé des critères dits objectifs et externes dans cette typologie pour valoriser le territoire et générer de l’attractivité, je me suis plus particulièrement intéressée aux implications des deux autres types de critères, subjectifs et internes. Voici les conclusions que j’en ai tirées :
Tout d’abord, le choix d'un territoire dépend de la situation dans laquelle se trouve un individu à un instant T. Et par situation, j’entends l’activité de l’individu et ce qui compose son identité. Autrement dit, la situation se réfère à ce que fait l'individu (s'il est étudiant, s'il travaille, s'il est à la retraite...), à son âge (auquel est souvent lié le cycle de vie : seul ou en couple, avec ou sans enfants...), mais aussi à son histoire personnelle (s'il a toujours vécu au même endroit, si ses parents sont immigrés...) et à sa personnalité (plutôt casanier, curieux, aventurier...). Tous ces paramètres influencent le choix du territoire d'attachement et celui du territoire dans lequel un individu voudrait établir (ou a établi) un projet de vie. Ainsi, du fait même que ces paramètres évoluent au cours du temps, le choix de l’individu pour tel ou tel territoire s’en trouve également impacté dans le temps.
En outre, l’aspect identitaire n’est pas nécessaire dans l’établissement d’un nouveau territoire d’attachement dès lors que le nouveau lieu permet à l’individu de se construire. Le facteur temps a une place importante dans la naissance de l’attachement pour un lieu car c’est sur la durée que l’individu prend des habitudes de vie et établit des liens sociaux qui le relient ensuite au territoire.
De ce fait, le choix d’un changement de territoire n’implique pas systématiquement l’attachement spontané pour le nouveau lieu de résidence. Les individus choisissent en majorité un lieu de vie où il leur sera possible de mener à bien des projets, qu’ils soient personnels, professionnels ou familiaux. Les opportunités qu’offre un territoire constituent ainsi l’attractivité première de ce dernier.
L’attachement à un territoire ne peut donc pas générer en soi une attractivité résidentielle ou économique. C’est parce que les personnes ou entreprises vont se sentir appartenir au territoire et être concernées par son destin qu’elles vont participer à sa valorisation et à son développement. Mais cet aspect nécessite que les acteurs du territoire puissent prendre part au déploiement de celui-ci.
C’est là que le marketing territorial peut jouer son rôle de mise en relation communautaire des acteurs, et d’invitation à en devenir des ambassadeurs. L’évolution de la société ayant entrainé un accroissement des mobilités, l’individu évolue sur différents territoires auxquels il se sent appartenir, phénomène que l’on peut qualifier de multi-appartenance. Parallèlement, l’implication émotionnelle de l’individu sur le territoire dépasse le simple fait d’y résider. En d’autres termes, le lieu d’attachement n’est pas forcément celui de résidence car ce dernier peut simplement incarner un espace de vie de consommation. C’est pourquoi, être ambassadeur de son lieu d’attachement à distance s’avère possible. Dès l’instant que l’on s’implique émotionnellement dans son territoire d’attachement, on peut tout à fait en devenir ambassadeur, qu’importe si l’on y réside ou pas.
En complément de ce système d’ambassadeurs, le politique quant à lui, va permettre de bâtir une stratégie de fond pour le développement du territoire et procurer aux citoyens les moyens d’y participer.
Pour conclure, on peut avancer que l’attractivité d’un lieu est fonction des potentialités de vie qu’il offre à un individu. Cependant, entre territoires aux opportunités similaires, c’est le caractère affectif qui va engendrer l’arbitrage de l’individu, qu’il s’agisse d’y rester ou de s’y installer. Au-delà, la capacité à renforcer l’attachement, et plus généralement, à cultiver le ressenti personnel vis-à-vis d’un territoire, pourrait alors trouver sa place dans les futures stratégies de marketing territorial.