Le label Village étape, un levier de développement territorial plein d’avenir

Publié le par Vincent Gollain

Joinville, Village étape de Haute Marne. Crédit photo : Vincent Gollain, 2022

Joinville, Village étape de Haute Marne. Crédit photo : Vincent Gollain, 2022

Connaissez vous le label national « Village étape® » qui vous propose une autre façon de voyager en France ? Très probablement si vous allez en Bretagne, en Corrèze ou dans la région de Limoges. D’où vient ce label ? Quels sont ses caractéristiques ? Quels bénéfices apporte-t-il aux villages labellisés et quels sont ses perspectives de développement ? 
Pour répondre à ses interrogations je me suis rapproché de la Fédération française des Villages étapes (FFVE), située à Limoges, et plus particulièrement de Mathilde de Almeida, Chargée de Qualité et de développement du réseau et que je remercie ici pour son implication dans cet article. Cet article a également bénéficié du témoignage d’Anthony Koenig, chargé d’urbanisme à la commune de Joinville, que je remercie également.

1.    Origines du label

Selon la FFVE et Wikipédia, L'idée du label naît en 1992, quand les acteurs locaux du département de la Haute-Vienne se réunissent pour soutenir les communes déviées par l'autoroute A20 avec pour projet d'obtenir une dérogation à la signalisation autoroutière afin de communiquer sur les services présents dans les villages déviés. L’idée est d’éviter de créer des aires de services pour amener les automobilistes à faire un petit détour sur leurs trajets pour s’arrêter dans un village. En 1993, le concept est formalisé. La direction départementale de l'Équipement, la chambre de commerce de la Haute-Vienne et la direction générale des Routes du ministère de l'Équipement posent les bases de la charte qualité permettant d'obtenir le label.

Le lancement d'une expérimentation intervient en 1995 avec les villages de Bessines-sur-Gartempe et Magnac-Bourg. Les retours d’expérience ayant été jugés positifs, la labellisation s’est poursuivie depuis cette année-là. Une étude qualité est réalisée en 2001 grâce à des fonds de la convention Massif Central et de la direction régionale de l'Équipement du Limousin sur la qualité de l'offre de services des communes labellisées, les attentes des consommateurs et la sensibilisation des acteurs des villages. La Fédération nationale des villages étapes est créée en 2002 avec pour missions la représentation des villages étapes auprès des partenaires, le respect de la charte de qualité et le développement du réseau. Au fil du temps le réseau s’est étoffé pour atteindre mi 2022 73 villages étapes labellisés (cf. carte ci-après). Ce sont donc 31 départements, 9 régions et 34 axes routiers qui sont représentés. 
 

Source : Fédération française des villages étapes, site Internet, août 2022

Source : Fédération française des villages étapes, site Internet, août 2022

2.    Les critères d’attribution du label

Du fait des ambitions posées dès l’origine, les critères d’attribution du label, attribué par le ministère de la transition écologique en charge du réseau national, sont spécifiques.
Pour être labellisé, un village doit répondre à plusieurs critères. Tout d’abord, ce titre est attribué aux communes de moins de 5 000 habitants situées à moins de cinq minutes, ou moins de 5 kilomètres, d’une route nationale ou d’une autoroute gratuite. Elles doivent proposer une offre de services (restauration, hôtellerie, commerces) et des équipements publics de qualité (aires de jeux et de pique-nique, places de stationnement à l’ombre…). Les communes doivent aussi justifier d’engagements durables, disposer d’un point d’informations touristiques, avoir des chemins de randonnée et des monuments historiques. Tous les cinq ans, les communes labellisées font l’objet d’une visite de contrôle qui décide de la reconduction ou de la non-reconduction de la distinction.

3.    Les retombées du label sur le développement économique rural et la revitalisation des centres-bourgs

Le réseau Village étape regroupe des communes dynamiques et porteuses de projets innovants comme l’illustre l’exemple de Joinville présenté ultérieurement. Toutes ces communes ont en commun leur volonté de « réaffirmer leur fonction de centralité en luttant contre la dévitalisation du centre-bourg ». Elles s’enrichissent mutuellement au sein du réseau en partageant leurs projets et retours d’expériences. 
En proposant aux usagers de la route une autre façon de voyager, plus apaisée et conviviale, le label Village étape® visible, grâce à des panneaux sur les axes routiers concernés, adresse de nouveaux publics aux communes labellisées. Pour mieux les accueillir, outre les travaux importants d’amélioration et d’aménagement du cadre de vie par les collectivités territoriales afin de rendre les lieux publics plus accessibles, sécurisés et accueillants, 3 000 commerçants ambassadeurs sont impliqués dans la démarche. Ceux-ci œuvrent à l’accueil des clients de passage, à l’amélioration constante de l’offre commerciale locale et à la promotion du label. A 98 %, les clientèles sont satisfaites de leur arrêt dans un Village étape®. 

Source : Fédération française des villages étapes, 2022Source : Fédération française des villages étapes, 2022

Source : Fédération française des villages étapes, 2022

Les retombées économiques mesurées auprès des commerçants ambassadeurs indiquent une hausse du chiffre d’affaires pouvant atteindre jusqu’à + 30 %. Les commerces les plus fréquentés sont : les boulangeries (30 %), les supérettes (15 %), les restaurants (15 %), les tabacs-presse (10 %) et les cafés (8 %). Le temps du midi est généralement privilégié par les usagers de la route pour une pause moyenne comprise entre 1 à 4 heures. Enfin, la part de la clientèle étrangère s’établit à 13,5 %, les principaux voyageurs étant les belges (54 %), les espagnols (19 %) et les britanniques (8 %).

Pour accentuer les retombées du label, la fédération, forte de ses 5 salariées, mène parmi ses missions des actions de Marketing et communication : stratégie de marque, webmarketing (site web réseaux sociaux), opérations de promotion et salons, relations médias, publicités ou encore des développement de produits pour des clientèles cibles (camping-caristes, motards, véhicules électriques etc.). En 2022, parmi les actions menées, la Fédération a édité un guide des villages étapes en association avec Le Routard (Plus). 
 

4.    L’exemple de Joinville, le label « Village Etape » comme moteur de revitalisation

Aux confins de la Champagne et de la Lorraine, Joinville, l’ancienne cité des ducs de Guise, malgré le prestige hérité de son histoire, a connu une décroissance continue depuis près de 40 ans. Pour autant, son riche patrimoine architectural et paysager, méritait qu’on affronte ce qui est trop souvent perçu comme une fatalité dans les territoires ruraux. Aussi, défiant les paramètres exigus de la mondialisation comme de la métropolisation, Joinville a décidé, depuis 2012, de jouer de ses atouts et d’inverser le regard sur ses faiblesses.
Pari osé mais réussi puisqu’en seulement 10 ans, elle est devenue un exemple observé et imité en matière de revitalisation des centres-bourgs.
Pour mettre en œuvre une stratégie globale et transversale d’aménagement comme de communication, nulle présence d’une agence d’urbanisme ou d’un opérateur comme ceux qui accompagnent les collectivités des métropoles et autres territoires densément peuplés. Alors, dès le début de ses réflexions, Joinville s’est intéressée aux labels. Parmi eux, c’est Village Etape qui répondait à l’ensemble des défis qui se présentaient : revitaliser un centre-ville, notamment par le commerce mais aussi le tourisme ou l’aménagement, et capter les flux de la nationale qui voyait les usagers contourner la cité. Osant même stopper le développement commercial en périphérie pour accélérer le retour en cœur de bourg, Joinville a été bonne élève en suivant la charte mais aussi et surtout l’esprit et la méthodologie des Villages Etapes dont elle a obtenu le label en 2014.  Cette démarche, couplée à des opérations ambitieuses, tout autant incitatives que coercitives, pour reprendre la main sur le foncier en déshérence de son centre historique, a eu pour effet de rendre rapidement crédible puis perceptible la revitalisation du centre-bourg. 
Après déjà 8 années de labellisation, Joinville et ses commerçants plébiscitent « Village Etape ». Après une augmentation sensible des usagers de la route dans les restaurants, boulangeries mais aussi les lieux de visite de la commune, c’est même l’offre dans ce domaine qui s’est redéveloppée après 20 ans de baisse continue liée en partie à la déviation de la ville ouverte en 1991. 
Cependant, il ne suffit pas de signaler une sortie sur la nationale pour redonner vie à un centre-ville, même si c’est un préalable, encore faut-il que « l’expérience Village Etape » soit positive. C’est pourquoi la stratégie de revitalisation du commerce a été systématiquement liée à celle de valorisation des espaces publics, du patrimoine, y compris privé… une transformation horizontale et verticale que la cité voit s’animer. 
Pour résumer Village Etape est à la fois une direction forte pour revitaliser Joinville, un accès à un réseau (et à ses compétences et expériences) et une visibilité, certes sur la route nationale, mais aussi au travers des nombreux outils développés par la fédération.

5.    Perspectives

Le réseau des Villages étapes en en développement. En moyenne, 5 communes sont labellisées chaque année et, pour l’instant, aucune commune n’a souhaité arrêter le label depuis sa création il y a 25 ans. Selon l’étude menée par la FFVE, le réseau pourrait atteindre les 90 communes labellisées à l’horizon 2025. Ce chiffre comptabilise les communes qui se sont déjà portées candidates et celles identifiées par l’Etat dans le cadre d’un schéma cohérent de développement du service à l’usager. 
Cette perspective de développement pourrait évoluer du fait de la décision de l’Etat de transférer aux collectivités territoriales 9 000 km de voies nationales (routes nationales, autoroutes ou tronçons. Le décret publié le 31 mars 2022 en application des articles 38 et 40 de la nouvelle loi de décentralisation 3DS fixe la liste des routes non concédées transférables aux départements et aux métropoles. Ou bien aux régions volontaires dans le cadre d’une expérimentation de huit ans, avec mise à disposition des routes, du personnel et des moyens techniques concernés.
Cette évolution peut aussi être une opportunité pour la FFVE qui, forte des retombées de son label, pourrait trouver auprès des collectivités territoriales de nouveaux partenaires soucieux d’améliorer les retombées des dépenses d’investissement et de fonctionnement nécessaires au fonctionnement de ces infrastructures.

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