La stratégie d'attractivité rurale du Pays Charolais-Brionnais - Partie 1
Comment utiliser la boîte à outils du marketing territorial en milieu rural ? Ce nouvel exemple, particulièrement enrichissant du Pays Charolais-Brionnais, peut se révéler une source d'inspiration pour de nombreux territoires. Pour nous aider à mieux comprendre cette démarche, j'ai interviewé Madame Hélène Botti, Animatrice Attractivité - Marketing Territorial. Âgée de 36 ans, elle travaille depuis 12 ans au Pays Charolais-Brionnais sur des missions d’attractivité. Elle pilote cette démarche marketing territorial depuis son commencement en 2010. Elle a un master 2 en histoire et patrimoine passé à Lyon et en Irlande. Elle prépare actuellement le diplôme de « Manager de la Marque » à l’ISCOM Paris basé sur son expérience en Marketing Territorial.
Cette interview sera publiée dans deux articles.
Pouvez-vous nous décrire le territoire du Charolais – Brionnais ?
C’est un territoire bourguignon situé à l’extrême sud-ouest de la Saône-et-Loire, ce qui fait que nous sommes plutôt tournés vers l’Auvergne Rhône-Alpes et Lyon qui est à 1h30. Le Charolais-Brionnais est composé de 129 communes, réparties en 5 communautés de communes, ce qui représente un bassin de vie de 90 000 habitants. Nous n’avons pas de ville centre mais plutôt un maillage équilibré de villes moyennes qui irriguent le territoire. C’est pourquoi les élus ont créé en 2004 une collectivité de type « Pays » pour rendre le Charolais-Brionnais lisible et attractif en portant tous ensemble des projets dont les enjeux dépassent l’échelle communale et intercommunale.
Le Charolais-Brionnais est un territoire rural, avec des marqueurs paysagers forts liés à une pratique de l’élevage traditionnelle à l’herbe, et un nom connu à l’international : nous sommes le berceau de la charolaise. Mais nous avons aussi une prégnance industrielle liée à un passé fort dans la sidérurgie, le textile, la céramique. Nous avons des boites internationales (APERAM-FPT…) mais aussi des pépites du Made in France à forte technicité et pour certaines axées sur des marchés de niche. A côté de cela nous avons un patrimoine très dense et des équipements variés dédiés au tourisme vert ce qui fait de notre territoire une destination cohérente et attractive.
Et pourtant en 2010, nous subissions une image déficitaire, la mauvaise représentation de la campagne : vieillotte, poussiéreuse, passéiste, en partie lié à une déprise démographique et des mutations économiques qui pourtant ne sont pas propres à notre territoire.
Vous avez lancé votre démarche de marketing territorial en 2010. Pouvez-vous nous en décrire les grands traits ?
Nous avons d’abord confié pendant neuf mois une étude à un cabinet de développement et une agence de communication. L’idée était de sortir de l’anonymat, casser cette image déficitaire, et d’inverser la tendance en décomplexant les acteurs et habitants pour les rendre fiers et prescripteurs de leur territoire.
Les cabinets ont d’abord animé une phase de diagnostic pour dresser l’image vécue et perçue du Charolais-Brionnais. Plus de 200 acteurs y ont été associés, issus de tous les milieux (politiques, associatifs, culturels, entrepreneurial, touristiques,…) et sous différentes formes (tables rondes, interviews, rencontres, séminaires).
Du diagnostic, l’agence de communication a dressé un profil identitaire et une plateforme marque, à partir desquels elle a décliné une identité visuelle et des préconisations marketing.
Ce travail de fond a permis de mettre en évidence les éléments suivants :
- Des valeurs clés basées sur performance, la qualité de vie, l’excellence, le dynamisme,
- Un concept communicant : tout comme en ville sans ses contraintes, avec en plus une qualité de vie,
- Une cible géographique prioritaire : Lyon.
Quel bilan en avez-vous tiré ?
La démarche a fortement mobilisé et le diagnostic s’est montré bien représentatif de nos enjeux. Les fondamentaux de la marque et les préconisations marketing se sont toujours avérés justes et très efficaces, même 10 ans après (nous étions en 2010 !).
Notre candidature au Patrimoine Mondial de l’UNESCO est venue compléter ce travail. Devant justifier un caractère universel et exceptionnel, elle nous a permis de « boucler la boucle » en démontrant en quoi nous étions uniques et différents des autres territoires.
Nous avons donc entre les mains depuis 10 ans deux outils nous permettant :
- De savoir qui nous sommes : la candidature UNESCO et le diagnostic Marketing Territorial,
- Et comment prendre la parole : la plateforme marque et les préconisations marketing.
Au moment du rendu de l’étude, les élus ont décidé de limiter la communication institutionnelle pour concentrer les énergies et budgets sur la communication territoriale.
Le 1er chantier a consisté à réaliser des campagnes photographiques avec des photographes professionnels sur les bases des préconisations marketing. L’objectif était d’être rapidement outillé pour nos futures campagnes de communication.
Le 2e chantier a été de créer en interne une cellule PAO en me formant à la Suite Adobe. Je réalise depuis 10 ans 70% des supports en lien direct avec les préconisations marketing, ce qui nous a permis de gagner en coût et en efficacité.
Aujourd’hui le marketing territorial a été intégré à la démarche globale de développement du territoire. Pour quelles raisons ?
Pour se consacrer pleinement à une politique d’attractivité, es actions du Pays Charolais-Brionnais s’articulent autour de deux feuilles de route :
- Un SCOT voté en 2014 dans lequel les élus se sont fixés l’objectif de gagner +5 000 habitants à l’horizon 2040,
- la démarche marketing territorial.
Les élus ont souhaité que notre démarche de Marketing Territorial ne soit en aucun cas une fin en soi. C’est une boîte à outils qui vient en appui quotidien à notre politique d’attractivité portée par les chargés de mission du Pays sur des missions thématiques : attirer des médecins avec le Contrat Local de Santé, ancrer une logique de destination avec le développement touristique et un Pays d’Art et d’Histoire, attirer les cadres avec notre GPECT, attirer des porteurs de projets avec de la promotion économique collective, porter une candidature Unesco, porter un SCOT, etc.
De plus, en parallèle à ces actions, nous pilotons des outils financiers (conventions avec l’Europe, l’Etat, la Région) permettant de financer des actions collectives et des investissements sur le territoire. Notre Contrat de Ruralité porté avec l’Etat, notre contrat Cap Territoire porté avec la Région Bourgogne-Franche-Comté, et notre programme LEADER que j’anime sont des exemples de contractualisations qui nous sont précieuses pour la mise en œuvre de cette politique d’attractivité en lien avec les communes et intercommunalités.