La stratégie d'attractivité rurale du Pays Charolais-Brionnais - Partie 2

Publié le par Vincent Gollain

(c) Pays Charolais-Brionnais

(c) Pays Charolais-Brionnais

Suite et fin de l'interview de Madame Hélène Botti, Animatrice Attractivité - Marketing Territorial du Pays Charolais-Brionnais (voir partie 1). 

Dans ce contexte, quel est votre rôle en tant qu’animatrice Attractivité et marketing territorial ?
J’ai deux missions : agir en matière de marketing territorial et soutenir mes collègues dans ce domaine selon une approche transversale. 

En matière de marketing territorial, le tourisme et l’économie sont mes deux champs d’interventions prioritaires.

Pour ce qui concerne l’attractivité touristique, l’objectif est double :
- positionner le territoire comme une destination cohérente, lisible et attractive
- améliorer la connaissance collective de l’offre du territoire pour encourager l’itinérance, ancrer et allonger le séjour qui chez nous est court.

Pour y parvenir, je fédère depuis plus de 10 ans les huit offices de tourisme pour mener des actions de promotion collective, notamment vers notre cible prioritaire : Lyon. Concrètement, cela se traduit par des éditions touristiques en commun, des participations collectives à des salons lyonnais, la création et l’animation d’un écosystème digital dédié à la destination (site internet, newsletters, réseaux sociaux et notamment Instagram…), des journées terrain pour favoriser la connaissance collective par le testing et l’expérience. Nous avons même édité un Guide du Routard avec Hachette Tourisme en 2017. Depuis 2015, nous élargissons nos actions aux prestataires touristiques pour leur permettre de mieux connaître l’offre de la destination et monter en gamme. C’est à ce titre que je pilote des Rencontres du Tourisme plusieurs fois dans l’année, séminaires thématiques d’une demi-journée durant lesquels nous faisons appel à des intervenants et consultants des quatre coins de France.

Dans le domaine du marketing économique, l’objectif est de venir en appui et soutien des intercommunalités, qui sont montées en compétence dans le domaine du développement économique suite à la loi NOTRe. Tout l’enjeu est de bâtir ensemble des actions Marketing Territorial visant à leur apporter une visibilité et attractivité collective pour la promotion, la commercialisation,  et l’accompagnement des porteurs de projet. Nous avons la chance d’avoir un réseau très actif des développeurs économiques et directeurs de cinq communautés de communes, ainsi que la CCI de Saône-et-Loire, très impliquée. Tous ensembles, nous identifions les atouts collectifs (infrastructures, ZRR…) et les équipements complémentaires du territoire pour nous positionner comme une terre de réussite et de performance économique aux portes de Lyon.

Pour comprendre le choix de nos actions, il ne faut pas oublier que les acteurs locaux portaient l’image d’un territoire complexé comme cela a été fortement relevé par l’étude de Marketing Territorial. Que ce soit dans le domaine du tourisme ou dans le domaine économique, nous avons toujours eu à cœur de donner la parole aux acteurs et enfants du Pays, à travers de témoignages, des portraits, sur nos sites internet, sur les réseaux, dans des supports de communication. Nous avons même organisé des Trophées de l’Entreprise pour donner un coup de projecteur sur les réussites du territoire, décomplexer et rendre les entreprises fières de leur parcours.

En plus des actions que j’anime de marketing territorial, je viens en soutien des autres chargés de missions thématiques et je travaille avec eux dès que leur animation commence à toucher le domaine du marketing.
Pour notre territoire, ce travail d’animation, qui demande du temps, des rencontres, des échanges, est la clé. Pourquoi ? Parce que nous sommes qu’un minuscule maillon d’une chaîne qui nous dépasse. D’un côté nous avons un territoire à rendre lisible et attractif, un territoire complexe, pluriel, avec des valeurs, de l’humain, des évolutions ! Et de l’autre, nous avons des cibles, avec des profils, des aspirations, des besoins que nous, à l’échelle du Pays, nous ne côtoyons jamais.
C’est à chaque fois tout un réseau de chargés de mission et de socio-professionnels qu’il est important de mobiliser. Ils connaissent l’offre du territoire et les acteurs clés, et peuvent ainsi identifier les cibles, leurs aspirations et leurs besoins. Une fois cette implication menée, j’ai la tâche de tout « mettre en musique » grâce aux fondamentaux de la marque et des préconisations marketing qui en découlent.

Je ne vous cache pas que nous sommes une petite équipe et que nous travaillons à flux tendu, parfois même avec les moyens du bord.  Mais c’est aussi une énorme chance : les métiers du marketing et de la communication ne sont pas segmentés dans différents services, me permettant ainsi d’avoir une approche à 360°.
 

Salon des entrepreneurs à Lyon - (c) Pays Charolais-Brionnais

Salon des entrepreneurs à Lyon - (c) Pays Charolais-Brionnais

Les habitants jouent un rôle clé dans votre approche. Que faites-vous avec eux ? Comment les mobilisez-vous ? 
Il est absolument primordial de s’appuyer sur les habitants pour véhiculer une information porteuse et positive. Pour y parvenir, nous avons commencé par décloisonner les filières, notamment dans la promotion touristique. A notre échelle, l’offre touristique dédié à  l’exogène est sensiblement la même que l’offre loisirs à destination des habitants. Valoriser en local l’offre touristique représente un argumentaire de poids  pour valoriser la qualité de vie et encourager l’installation des habitants. Nous avons été étonnés de voir à quel point les habitants se sont saisis des outils de promotion touristique que nous avons déployés : newsletters, guides touristiques, animation des réseaux sociaux. Ces supports touristiques ont contribué à rendre les habitants fiers et prescripteurs de leur territoire. Et quand nous avons lancé notre Guide du Routard, nous avons fait un lancement familial 100% pour eux, sur le territoire. Nous voulions que ce soit « leur routard ».

Par ailleurs, la candidature UNESCO s’est avérée être un formidable outil d’appropriation des habitants. Communiquer sur notre candidature fin 2011 relevait du challenge : pour le grand public un monument exceptionnel semble plus légitime à labelliser qu’un territoire agricole. Pour faire adhérer le plus grand nombre à la démarche et communiquer sur du temps long, nous avons mis en place en 2012 un dispositif nommé « Douze défis pour l’UNESCO ». Le principe : organiser une fois par mois un défi créatif avec comme message «Vous aimez votre territoire ? Vous avez un talent caché ? Faites-le savoir ! ». Pendant un an, les gens ont : tricoté, écrit des poèmes, fait des photos, écrit des chansons, réalisé des timbres, peints de tableaux… L’engouement suscité a dépassé nos attentes. Plusieurs de 1 500 personnes ont participé, et ce dans plus de 10 pays grâce à la motivation de quelques expatriés. Et nous avons dû poursuivre l’opération jusqu’en 2014 avant de nous recentrer sur le montage scientifique du dossier, à la demande des ministères.
Enfin, les habitants sont également au cœur des enjeux de développement territorial. Comment sensibiliser les habitants dans leurs projets de vie et accompagner les élus dans leurs aménagements ? Ils sont d’une certaine manière les garants des marqueurs paysagers et patrimoniaux du Charolais-Brionnais. Tous ces enjeux sont au cœur de notre SCOT, actuellement en évaluation, des PLUI que nous accompagnons, et du Plan de Gestion que nous allons bâtir dans le cadre de la candidature UNESCO. Nous avons également créé au sein de notre structure un service urbanisme en 2014 suite à la loi Alur pour les communes inscrites au RNU ou rattachées à un PLUI. Le service travaille en lien quotidien avec le service Pays d’Art et d’Histoire, l’animatrice SCOT, le CAUE, l’ABF. Une charte architecturale et paysagère a d’ailleurs vu le jour.
 

Pouvez-vous nous décrire votre projet de candidature au patrimoine mondial de l’Unesco et votre état d’avancement ?
Comme indiqué précédemment, le Pays Charolais-Brionnais a lancé fin 2011 sa candidature au Patrimoine Mondial de l’UNESCO portant sur le berceau de la race charolaise en tant que paysage culturel évolutif vivant. Notre paysage de bocage est le résultat de l'action de l'homme sur son milieu naturel qu'il a su utiliser au cours des siècles pour développer d'une race exceptionnelle : la charolaise. Ce paysage a peu d'équivalent dans le monde. 
Nous sommes inscrits depuis 2018 sur la Liste Indicative de l’Etat Français. Depuis, nous avons franchi deux des trois étapes-clés dans le montage de la candidature : la validation de la Valeur Universelle Exceptionnelle du Bien candidat en 2019, puis son périmètre en septembre 2020. Il nous reste à construire et faire valider notre Plan de Gestion avant l’échéance ultime : la présentation devant le Comité du Patrimoine Mondial, que nous espérons d’ici deux à trois ans.

Quelles recommandations feriez-vous à des territoires qui souhaiteraient s’inspirer de votre exemple ?
Ne pas faire d’une démarche marketing territorial une action en soi mais qu’elle vienne vraiment en signature des projets d’attractivité portés par la collectivité et les forces vives du territoire. 
S’ancrer sur des marqueurs identitaires forts. Pour être compétitif, on doit être unique, du moins différent du voisin. Et avec les enjeux d’attractivité, la concurrence se renforce entre les territoires. Pour se définir, on ne peut plus se contenter de valeurs telles que « l’authenticité », « la variété », « la richesse patrimoniale », « l’excellence » qui certes vont pouvoir qualifier des préconisations marketing, mais ne créent pas de différenciations nettes entre les territoires. Les individus ont besoin de marques qui font sens, qui leur parlent et les rassurent. C’est peut-être facile à dire, mais c’est une conviction personnelle.
Prendre la parole, et rapidement. Il est inexact, selon moi, de penser que l’animation territoriale doit se faire avant la communication. Les deux s’enrichissent mutuellement et constamment. Réaliser une plaquette sans associer les acteurs est un non-sens, et faire de l’animation en « attendant d’être prêt pour communiquer» risque de faire sombrer dans l’entre-soi. Il faut communiquer rapidement tout en fédérant. Cela ne grave rien dans le marbre : s’il y a bien un domaine périssable et en perpétuel mouvement… c’est bien le marketing et la communication !
Casser les codes ! Ne pas hésiter à être créatif, audacieux et faire de la veille sur la communication des entreprises et les nouveaux médias. Beaucoup d’outils sont transposables dans le secteur public. Il faut sortir de nos cultures administratives et prendre des risques, cela donnera d’autant plus de voix à nos territoires. 
« Profiter » du contexte de crise sanitaire : c’est paradoxal à exprimer, mais la crise de la covid19 cristallise des aspirations et des valeurs que l’on retrouve dans les fondamentaux d’une démarche Marketing Territorial. Et il en est de même avec toute la prise de conscience liée aux enjeux climatiques, et cette nouvelle aspiration du « moins, moins loin, et mieux ».  Même si les études montrent qu’il y a souvent un gap entre le souhait du public et leur comportement réel, les démarches Marketing Territorial peuvent certainement recréer un lien entre ces nouvelles tendances et les enjeux d’attractivité. 

Propos recueillis en janvier 2021 par Vincent Gollain

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