Comment rendre son centre-ville attractif ? Plusieurs enseignements du Club Marketing Territorial

Publié le par Vincent Gollain

Comment rendre son centre-ville attractif ? Plusieurs enseignements du Club Marketing Territorial

La réponse à cette question n’est plus si évidente pour de nombreuses villes françaises, surtout petites et moyennes, ou encore ne bénéficiant pas d’une puissance touristique établie. En effet, de nombreux facteurs ont conduit à un affaiblissement, voire une paupérisation, des quartiers centraux. On pourra citer la périurbanisation, l’essor du e-commerce, les disparitions d’activités économiques génératrices d’emplois, la concurrence d’autres villes ou les manques de financements publics. Alors que faire ? La dernière réunion du Club Marketing Territorial de l’Adetem - Cner, en association avec l’IAU Ile-de-France, s’est efforcée d’apporter des réponses concrètes aux participants.

Le contexte

Les études s’enchaînent et les constats convergent : hormis pour les grandes agglomérations, nombre de nos centres villes et centres-bourgs sont malades. C’est d’ailleurs parfois particulièrement visible en se promenant dans les rues du fait des « rideaux baissés », d’amoncellements d’affiches « à louer » ou « à vendre », de disparition de petits commerces, transfert de services publics en rocade, hausse de la vacance résidentielle, etc. A titre d’illustration, pour PROCOS, « le taux moyen de la vacance en centre-ville est passé de 7,2 % en 2012 à 9,5 % en 2015 et 11,1 % en 2017 (hors Ile-de-France). 62 % des centres villes observés ont un taux de vacance supérieur à 10 %, limite symbolique considérée comme critique. Ils étaient seulement 10 % en 2001 ». Les motifs sont nombreux à commencer par le mouvement profond de péri-urbanisation (voir travaux de la FNAU), le développement important des surfaces commerciales, mais aussi de services à la personne, en périphérie, l’évolution des comportements de mobilité et d’achat, les départs d’habitants et entreprises, etc.

Faut-il s’y résoudre et s’attendre à une autre vague avec la montée en puissance de l’e-commerce ? Pas sûr, car les comportements changent à nouveau, progressivement, et paradoxalement Internet pourrait conduire à un retour en grâce des centralités d’agglomérations petites et moyennes qui se sont transformées pour proposer une ambiance différente des périphéries ou des expériences numériques sur Internet.

Les villes qui s’attaquent à cet enjeu majeur, souvent soutenues par des fonds publics et l’opinion publique (Pour l’enquête CSA de 2017, 9 français sur 10 considèrent que la modernisation du centre-ville doit être l’un des objectifs principaux des Maires), mènent des stratégies nombreuses et diversifiées (urbanisme, transport, développement économique, tourisme, équipements, etc.) en fonction des contextes et moyens disponibles.

Quelle stratégie adopter ?

Quelle est la place pour le marketing territorial dans ce contexte ? Celui-ci peut apporter ses méthodes et techniques en contribuant à redévelopper des flux vers le centre-ville ou plus fondamentalement à accueillir plus de personnes et d’activités. Lors de mon introduction à ce sujet, j’ai présenté un premier graphique dressant une typologie des 6 fonctions d’une centralité qui résume les enjeux d’une stratégie en faveur de l’attractivité d’un centre-ville : « activités économiques privées et Economie Sociale et Solidaire », « Administration publique », « Habitat et Hébergements de toutes natures » ; « Equipements générateurs de flux » ; « éléments identitaires et mobiliers urbains » ou encore des « grands équipements générateurs de flux ». Renforcer le centre-ville suppose donc de se définir une stratégie pour chacune de ces 6 fonctions.

Comment rendre son centre-ville attractif ? Plusieurs enseignements du Club Marketing Territorial

En effet, c’est avant tout par une politique cohérente associant mesures structurelles et actions plus de court terme que les pouvoirs publics pourront s’attaquer à cette situation. Il faut donc (re)créer des  générateurs de flux pour les centres villes par la réinstallation d’activités économiques (à commencer par des services publiques installés en périphérie dans des bâtiments certes modernes mais dispersant les emplois empêchant ainsi les effets multiplicateurs de concentrations) et grands équipements (culture, santé, etc.), l’accueil de populations jeunes ou âgées en facilitant la mutation de l’immobilier résidentiel, la révision des politiques anti-véhicules parfois excessives, l’installation de tiers-lieux (comme des espaces de co-working) ou encore par des politiques actives de soutien aux activités commerciales, de restauration ou services.

Au-delà de ces mesures de long terme, des actions complémentaires avec des retombées plus immédiates sont également nécessaires. La première d’entre elles est certainement la plus simple et l’une des plus délicates à mettre en œuvre puisqu’il s’agit de créer une organisation simple et efficace pour manager collectivement la « destination centre-ville » comme cela se fait pour une démarche partagée de marketing territorial. Cette forme d’organisation est nécessaire tant l’attractivité d’un centre-ville dépend d’une chaîne complète d’acteurs publics, privés, associatifs et individuels. Une fois constituée, cette organisation est en mesure de se donner une ambition collective pour le centre-ville, de construire un projet partagé puis de faciliter sa mise en œuvre.

Un autre facteur clé de succès tient dans la capacité à cibler des populations, activités économiques ou animations qui dynamiseront par leur présence le centre-ville. Il peut s’agir de commerces spécialisés, de médecins, d’entreprises tertiaires ou encore de festivals générateurs de visiteurs. Là comme ailleurs, cibler est une première étape menant à l’identification d’actions spécifiques de promotion et prospection par exemple. On retrouve ici la richesse des actions marketing présentées sur ce blogue, le tout étant de sélectionner celles appropriées à votre situation plutôt que de succomber au charme du copier-coller.

Autres initiatives possibles, l’animation du centre-ville par des actions d’animation, l’installation de food-trucks ou encore d’objets localisés dans l’espace public tels que des totems.

Comment rendre son centre-ville attractif ? Plusieurs enseignements du Club Marketing Territorial

L’avis des témoins

Le premier intervenant de cette séance du Club, Didier Dely, Directeur Général Adjoint du Groupe Chevreuse et ancien DG de la SEMAEST de Paris, a fait part aux participants de son expérience sur les actions et opérations menées à Paris et dans d’autres villes pour préserver et diversifier le commerce et l'artisanat. Depuis 2004, la SEMAEST développe une expertise en matière de développement économique. Elle intervient dans certains quartiers parisiens pour préserver et diversifier le commerce et l'artisanat, à travers plusieurs opérations : Vital’Quartier, Château Rouge, Bréguet, Claude Bernard, Viaduc des Arts, Cour de l'industrie. La Semaest loue des locaux à des commerçants de proximité et les accompagne au quotidien. Elle développe notamment un programme baptisé CoSto permettant aux commerçants d'utiliser le potentiel du numérique pour booster leur activité et accroitre leur visibilité. Reconnue pour son savoir-faire, la Semaest intervient également de manière croissante auprès des collectivités de la métropole parisienne. L’une des clés du succès pour Didier Dely tient à la capacité à mixer dans un même quartier des logements, espace publics et commerces de pieds d’immeubles. Il est nécessaire de gérer les trois pour lutter contre la surspécialisation des commerces, l’effritement de la fréquentation locale et maintenir l’innovation par de nouvelles offres. En matière commerciale, une politique publique bien orientée peut avoir un fort effet de levier : « Si on maitrise 5 % des boutiques d’un quartier, on peut agir sur ce quartier. Cela peut être des boucheries, des services locaux, des fablabs, etc. »

 

Elodie LLobet, dirigeante de la société Generacio, est ensuite intervenue pour montrer le rôle que peuvent jouer les seniors dans la redynamisation des centres villes. C’est d’ailleurs particulièrement stratégique avec le vieillissement de la population française qui génère de nouveaux besoins qui sont d’ailleurs très différents selon les classes d’âges des personnes âgées. En tout état de cause, ces nouveaux besoins constituent un véritable de potentiel de redéveloppement pour les centres villes car ce sont les lieux préférés des seniors. 200 000 seniors changent de domicile tous les ans. Retrouvez la synthèse de son intervention ci-après :

Delphine Fardoux et Léa Busselez, co-fondatrices de la société Adenda, ont adopté une approche globale et urbaine. Pour elles, la désertification des centres villes n’est pas uniquement une question de commerces. Il est nécessaire d’adopter une approche globale qui permettra de générer des flux en agissant sur les leviers. Cette approche permet d’intégrer des actions de marketing territorial comme l’exemple présenté en séance, Douai.

Elles sont également revenues sur la nécessité d’agir collectivement :

Dominique Moraux, géographe spécialisée en stratégie digitale, et Jean-Luc Santarelli, concepteur de solutions agiles, ont combiné leurs expériences pour imaginer “Territory Tools”, un environnement digital SaaS conçu pour répondre aux besoins des territoires, allant de la municipalité à la Smart Région. Cet outil a été lancé lors de la réunion du Club. Les portails et applications qui en résultent sont destinés à rassembler toutes les activités et acteurs locaux au sein d’un “e-territoire”. Ce “e-territoire” vise à réunir les citoyens, commerçants, entreprises, associations locales, investisseurs, élus et représentants des organismes locaux dans une action commune, collaborative et participative, de dynamisation de la vie locale tout en valorisant l’aspect humain du rôle de chacun. Pour assurer une animation permanente du portail et susciter une mobilisation active, Territory Tools accompagne l’ensemble des outils mis à disposition par des techniques de “process automation” et de “marketing automation”. Le “e-territoire” ainsi produit, fruit de l’ensemble des acteurs et de la dynamique générée, sera également un maillon important à valoriser pour le marketing territorial et l’attractivité du lieu.

 

Synthèse : Vincent Gollain, mai 2018

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