Quel marketing territorial pour les territoires mal aimés ? Synthèse de la réunion ADETEM
Derrière cette appellation de « territoire mal aimé, nous avons évoqué en décembre 2017 les territoires dont l’image a longtemps été perçue comme négative, dégradée voire mal connue. Il peut s’agir de territoires au passé industriel, de zones défavorisées, de lieux de conflits, de territoires ayant subi un traumatisme naturel, etc. En prenant ce large spectre, il s’agissait pour nous d’échanger sur la capacité d’un territoire à changer sa réputation pour engager progressivement les cibles retenues et leurs prescripteurs dans un tunnel de conversion visant à changer la valeur perçue du territoire dans leur esprit et agir sur leurs comportements. En jeu, la capacité d’un territoire à faire évoluer son positionnement et à faire changer les mentalités. L’exemple de New York, surnommée « The Fear City » dans les années 1970 avant de changer radicalement d’image grâce au slogan « I LOVE NYC » n’en est-il pas le meilleur exemple ?
Pour éclairer nos échanges et faire état des bonnes pratiques en France, plusieurs intervenants sont intervenus pendant cette session.
Jean-Louis Amat, directeur général de l’agence de développement économique Ardennes Développement, a introduit l’après-midi par une présentation économique des Ardennes. Un territoire aux performances économiques plus qu’honorables, mais dont la réputation souffre d’une vision passéiste d’un territoire « d’industrie lourde et sale », bien révolue depuis.
Localisation transfrontalière, dispositifs fiscaux avantageux main d’œuvre assidue, vie culturelle foisonnante ... les atouts des Ardennes sont nombreux et constituent autant d’arguments de poids pour l’agence de développement dans ses missions de prospection. Une base solide propice à en faire une destination qui attirera les investisseurs. Jean-Louis Amat le répète : il faut donner envie de se projeter plutôt que de construire des argumentaires.
Si le défi des Ardennes semble en passe d’être relevé, il n’aurait pu aboutir sans un réel travail de concertation et de partenariat avec l’éventail des acteurs économiques : l’agence fédère ainsi la totalité des acteurs du territoire. Il n’en faut pas moins pour impulser une dynamique nouvelle et efficace.
Norbert Crozier, directeur de la mission « Louvre Lens Tourisme », opère depuis sept ans sur un territoire complexe : les bassins miniers du Pas-de-Calais, écrin depuis 2012 de la nouvelle antenne du Louvre. Sa problématique est la suivante : « comment créer une destination internationale pour passer sur une attractivité à la journée et à la nuitée pour les touristes » ?
Après avoir étudié l’identité et le positionnement touristique du territoire, concept et la destination touristique du Louvre Lens, il était temps de forger une approche marketing, de lancer une marque territoriale partagée Autour du Louvre Lens, puis de gérer la marque au jour le jour. L’enjeu pour le territoire : participer à une identité commune tout en se démarquant et utiliser le passer pour construire l’avenir. Le « noir charbon » constitue ainsi la couleur dominante de la marque et engage par son aspect chic, tout comme les produits dérivés reprenant l’artisanat local avec un « twist » résolument moderne.
Les résultats sont probants : la durée de visite des touristes internationaux augmente, laissant la place à une expérience forte, tandis qu’une offre de séjours de courte durée devrait prochainement voir le jour dans d’anciens corons à proximité de site, rénovés pour l’occasion.
Ex responsable à l’ANRU, Eléonore Hautpmann s’intéresse de près à la thématique des quartiers d’habitat social et au lien avec le marketing territorial. Souvent créés en dehors des centres-ville, et malgré le fait que l'urbanisation les a rapproché, ces quartiers semblent pourtant toujours perçus comme isolés, peu attractifs voire dangereux. L’enjeu, pour Eléonore Hautpmann, est ainsi de parvenir à changer l'image de ces sites, souvent fortement rénovés, par le marketing territorial. Ce changement nécessaire d'image ne doit pas s'accompagner un discours marketing ("storytelling") éloigné de l’ADN véritable du quartier et auquel tiennent tant ses habitants. En réussissant à changer l'image extérieure sans dénaturer l'ADN territorial, il sera plus facile d'améliorer l'attractivité du territoire pour y accueillir de nouvelles activités, des habitants ou encore des événements.
Enfin, Axelle Poulaillon, Directrice du marketing territorial et du mécénat au Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, e revenue sur la construction et l’animation du réseau d’ambassadeurs « In Seine Saint Denis ». L’enjeu est ici de proposer l’accès à un dynamisme de talents en dehors des canaux médiatiques qui adosse une image récurrente et angoissante au territoire. Créé à l’instigation du président du conseil départemental, le réseau compte aujourd’hui près de 600 membres issus du tissu socio-économique local, y compris l’économie sociale et solidaire, la culture et la création.
Un réseau pour transformer l’identité du lieu ? Au contraire, « In Seine Saint Denis » revendique une fierté collective de ses membres, pour faire entendre une voix authentique face à la réputation négative du territoire dans les actualités, sans jouer sur le terrain de la communication de crise.
Rédactrice de l'article : Noémie Condomines, CNER avec la participation de Vincent Gollain, IAU Ile-de-France.
Le Club Marketing territorial est animé par Vincent Gollain, Noémie Condomines et Gérard Lombardi.
Le prochain RDV du Club portera sur le marketing territorial des centres-ville. Il se tiendra le 10 avril prochain après-midi à Paris. La date vous sera confirmée très rapidement sur ce site et celui de l'ADETEM.