Le sport, vecteur de marketing territorial et développement des territoires
Quelques jours avant l’annonce officielle par le CIO de la sélection de la candidature de Paris pour accueillir les Jeux Olympiques et para-olympiques en 2024, le Club Marketing Territorial de l’ADETEM et du CNER, a souhaité traiter la question des liens entre les événements sportifs, de toutes natures, et le marketing territorial d’un territoire. En effet, il est clairement admis qu’un méga-événement comme les Jeux Olympiques peut, s’il est bien utilisé, transformer considérablement la réputation du territoire d’accueil et ses performances attractivité. Les exemples de Barcelone (1992) et Londres (2012) illustrent cette affirmation car, même si toutes les retombées attendues ne se sont pas produites comme elles étaient escomptées, ces deux régions urbaines ont connu une nette progression de leur compétitivité visible par l’amélioration de leur image internationale et de plusieurs indicateurs d’attractivité (nombre de touristes accueillis, implantations d’entreprises internationales, rayonnement d’événements culturels, etc.). Parfois, comme à Atlanta, où l’ancien parc olympique est devenu une véritable destination économique, culturelle et de loisirs, les retombées se sont produites à long terme. Plus généralement, le sport est également un secteur d’activité en tant que tel, que certains comme l’agglomération de Nice appellent le « sport Business ». En 2016, le sport business pèse près de 2% du PIB (37Mds€ d’après la DGE). En plein développement, ce secteur est également au cœur de nombreuses innovations (nouvelles pratiques, data et sport connecté, sport santé, etc.) qui stimulent les entreprises locales en lien avec le monde universitaire et l’innovation.
Pour éclairer cette réflexion et les échanges, trois témoins ont accepté de venir présenter leurs expériences sur ce sujet : Vincent Larquet, directeur de la stratégie et du développement durable chez Unimev (Union française des métiers de l'événement), Ulrika Bohman Troubat, cofondatrice de la société suédoise Mindconnect et Dominique Rillh, chef de projet Inosport à la Communauté de communes du Pays Voironnais. Cette réunion s’est terminée par la visite du Tremplin, premier incubateur au monde dédié aux startups du sport et situé à Paris à deux pas du Parc des Princes.
Vincent Larquet, a souligné un point essentiel dès le début de son intervention :"le problème est que l'on investit d'abord dans le béton avant d'investir dans le public". Exprimé autrement, cela signifie qu’il est nécessaire pour les territoires organisateurs de passer d’une culture de l’offre à celle de la demande. Cette réflexion concerne tout d’abord la relation avec le public des événements sportifs ou d’autre nature. Aujourd’hui, créer un nouvel évènement n’est pas une simple question de vente de billets, mais bien un investissement dans la communauté à laquelle il s’adresse. Plus un territoire est proche des préoccupations du public visé, plus il rayonnera. Il en est de même pour un équipement. Créer une nouvelle installation, comme une aréna, doit être pensé au regard des publics et des usages possibles qu’ils peuvent en faire. Trop souvent, ce nouvel équipement, très à la mode, est considéré comme rentable car il l’est à l’étranger. Comme le soulignait aussi Claire Peuvergne, directrice de l’IRDS Ile-de-France, on oublie trop souvent lors d’un événement sportif la nécessité de travailler la relation client, élément clé de la réussite de nombreux projets à l’international. En prenant l’exemple de Singapour, Vincent Larquet a aussi pu aussi développer l’idée qu’un événement entre en fait dans une stratégie plus globale du territoire, par exemple en visant à se renforcer dans telle ou telle activité. Dans cette perspective, l’événement organisé n’est plus une opération unique mais une plateforme dans un ensemble plus complet d’actions visant à développer des liens entre un écosystème local et ses homologues. Futur en Seine, développé par le pôle de compétitivité Cap Digital, s’inscrit dans cette philosophie puisqu’il permet d’accélérer et d’intensifier les relations entre le pôle de compétitivité, et ses membres, et leurs homologues nationaux et mondiaux. Enfin, en partant du simulateur développé par l’Unimev, le calculateur, Vincent Larquet a pu sensibiliser le public présent à cette réunion de l’intérêt à mesurer les retombées. Il a constaté que les événements sportifs sont moins présents car sur les 120 événements qui se sont saisis de cet outil depuis un an et demi, seul le Jumping international de Bordeaux représente le milieu sportif.
Ulrika Bohman Troubat, est intervenue par la suite. Ses propos ont permis de mesurer l’enjeu de professionnalisation des organisateurs d’événements sportifs tant pour répondre aux attentes des participants (les sportifs et leurs équipes, leurs proches), du public et des populations locales impactées. Elle a développé l’exemple du Vélothon de Stockholm, événement ouvert au grand public, qui attire 100 000 visiteurs et génère 25 millions de dépenses sur deux jours et demi. En grossissant, cet événement a nécessité une montée en compétence des organisateurs, notamment pour gérer un plus grand nombre de participants et spectateurs, mais aussi pour celles et ceux qui sont impactés par cet événement sans y participer, et notamment se retrouvent dans des bouchons ou bloqués. La réponse proposée par Ulrika Bohman Troubat, tient dans l’application numérique Eventico destinée aux organisateurs afin de leur fournir en temps réel des informations lors des manifestations sportives qu’ils organisent et puissent ainsi informer et réagir en temps réel. L’analyse faite par la société Mindconnect lors de sa création en France est que les collectivités territoriales françaises devraient investir dans le numérique pour répondre au défi de la professionnalisation des événements qu’ils organisent et de l’expérience des participants et publics.
La séance s’est poursuivie avec Dominique Rillh, chef de projet Inosport à la communauté de communes du Pays Voironnais. Cette intercommunalité soutient le développement d’une filière sport, loisirs, santé, bien-être pour se positionner comme un pôle de référence en matière d’innovation au service des pratiques. Cette stratégie puise ses racines en 2005 lorsque, pour maintenir l'implantation du siège du groupe Rossignol sur son territoire, la collectivité a développé une stratégie en faveur de cette filière. Pour accompagner ce développement, la communauté d'agglomération a racheté le site du Creps du Voiron, fermé par l'Etat en 2008, et a créé son propre campus, la Brunerie, avec pour objectif de réhabiliter le site de 17 hectares dans sa dimension sportive (accueil de sportifs de haut niveau, etc.) et de développer sa nouvelle filière économique.
Cette stratégie autour de la thématique « sport, loisirs, santé/bien-être » s’appuie sur les atouts spécifiques et les éléments identitaires du territoire, les entreprisses leaders déjà présentes et les forces de la région urbaine grenobloise qui s'articulent autour de l'industrie, la formation et la recherche.
Pour accueillir et développer les entreprises dans les meilleures conditions, la Communauté du Pays Voironnais a développé 4 types d’espaces d’accueil répondant au plus près aux différents besoins des entreprises :
- Un espace dédié à l’ingénierie, la conception et l’équipement de la personne : Centr’alp 2 ; le groupe Rossignol y a implanté en 2007 son siège mondial.
- Un espace dédié à la production : Centr’Alp1. C’est le parc sur lequel est implanté Pomagalski.
- Un espace dédié à la logistique : Parc Bièvre Dauphine. Il accueille l’une des unités logistiques les plus importantes du groupe Quiksilver.
- Le Campus la Brunerie dédié au sport et à l’innovation et son « living lab » (Espace unique de pratique, de test et d’expérimentation.). Le Campus la Brunerie accueille 15 entreprises, plus de 70 emplois (soit plus que le CREPS en 2007) et 210 stagiaires sportifs accueillis en 2014 dont 60 permanents en haut niveau.
- Un partenariat avec le Parc de Chartreuse auquel appartiennent 9 communes du Pays Voironnais et une ville porte, Voiron.
Un événement professionnel, Inosport, est organisé depuis 2010 une fois par an pour rassembler la communauté professionnelle du sport et faire connaître les atouts du Campus de la Brunerie et du territoire. Entreprises, chercheurs, représentants de clusters, organismes de conseils ou de formation, ce sont plus de 350 professionnels qui ont participé aux différents temps forts constitutifs de cette manifestation en juin 2017 : tables‐rondes, articulées autour de l’innovation (technologies et usages), showroom rassemblant une sélection de 38 innovations jugées très prometteuses, rendez-‐vous d’affaires, atelier thématiques et espace de networking. La journée s’est clôturée par la remise des Prix Inosport devant une salle comble.
Enfin, après une période d’échanges, cette réunion s’est terminée par la visite du Tremplin, premier incubateur au monde dédié aux startups du sport et situé à Paris à deux pas du Parc des Princes. Le Tremplin est une plateforme d’innovation portée par Paris&Co, l’agence de développement économique et d’innovation de Paris. Paris&Co Incubateurs accompagne plus de 300 start-up chaque année et met son expertise au service des jeunes entreprises innovantes depuis 20 ans. Il rassemble les start-up, les acteurs institutionnels et les grandes entreprises du secteur. L'ensemble de ces membres participent à la vie de la plateforme et développent une véritable culture de l'innovation en étant au plus près des évolutions du secteur et des attentes des clients :
- Une structure inédite en France et à l'international : l'industrie du sport, les athlètes, les sportifs amateurs sont les moteurs de l'innovation
- Un esprit sportif : la culture d'équipe, l'accompagnement individuel et collectif, la recherche de la performance
- Un environnement sportif : 3 000 m² au sein du Stade Jean Bouin avec des formations et interventions de haut niveau, des relations directes avec les acteurs institutionnels et économiques du sport.
Depuis sa création près de 60 entreprises ont été incubées ou le sont toujours.
En synthèse de cette séance exceptionnelle, il apparaît clairement que les événements sportifs peuvent agir positivement sur la réputation globale d’un territoire et ses performances d’attractivité. Mais, rien n’est automatique et il est apparu plusieurs conditions de réussite :
- Il faut avoir une réflexion préalable sur la nature des retombées possibles au regard des investissements humains et financiers que l’on prévoit de faire. Si l’objectif est d’accroître les impacts touristiques, il va falloir étudier les modalités précises et identifier les leviers permettant de parvenir aux résultats attendus. Identifier les actions les plus utiles en utilisant la grille du marketingmix territorial est certainement une pratique à développer
- Il apparaît également nécessaire d’adopter l’esprit marketing c’està-dire de se préoccuper tout autant des clientèles que l’événement vise (participants, spectateurs, équipes, journalistes, entreprises, etc.) et des événements concurrents, que du montage de son propre événement. En effet, le « marché » est de plus en plus saturé d’événements sportifs de toutes natures. La création ou le redéveloppement d’un événement sportif se doit d’en tenir compte. Investir dans la connaissance d’un public c’est également la capacité à mieux connaître la communauté des acteurs visés à travers ces événements. Plutôt que de se contenter de vendre des billets, les organisateurs doivent se préoccuper de mieux les connaître pour partager avec ces publics des informations, images, nouvelles, etc. permettant ainsi à l’évènement (et donc au territoire) de s’ancrer durablement dans la communauté sportive visée.
- L’intensification des retombées provient pour la plupart des événements sportifs, de la répétition de cet événement. Il est donc nécessaire de s’engager sur une approche pluriannuelle lorsque l’on souhaite intensifier les retombées. En effet, la répétition de l’évènement dans le temps intensifie sa visibilité, favorise son développement et l’intensification des retombées positives.
- La taille de l’événement est importante mais cela ne doit pas pousser à chercher à créer un événement sportif le plus important possible. En effet, il y a des effets de taille qui jouent et peuvent générer une augmentation des coûts plus fortes que les recettes et retombées. De même, les sites d’accueil peuvent ne plus être en mesure d’accueillir dans d’excellentes conditions les participants et spectateurs
- La professionnalisation de l’organisation de cet événement est devenue une clé de la réussite qu’elle soit réalisés en régie ou confiée à une société spécialisée. Aujourd’hui, les outils numériques permettent d’améliorer la gestion d’un événement, l’expérience des participants et spectateurs, mais aussi des habitants qui pourraient être impactés par les effets indirects de l’événement sportif (fermeture de routes, tarification des parkings, etc.° La professionnalisation passe également par l’utilisation d’outils comme ceux de l’Unimev sur les retombées d’un événement sportif. Malgré leurs imperfections, ces outils permettent d’identifier des pistes possibles pour améliorer les retombées d’un événement
- Il est nécessaire de dépasser les retombées directes sur l’économie résidentielle (commerce, hôtellerie et restauration) pour chercher à créer d’autres retombées économiques par la mise en avant de compétences d’entreprises locales, la création de lieux d’accueil d’entrepreneurs et startup, la mise en place de sessions BtoB, mise en place d’un living lab pendant l’épreuve, etc. L’exemple du pays voironnais illustre parfaitement la capacité d’un territoire à développer une filière en coévolution avec la création d’un événement professionnel.
Vincent Gollain, Noémie Condomines et Gérard Lombardi
Club Marketing Territorial ADETEM - CNER
La prochaine réunion du Club Marketing Territorial ADETEM – CNER portera sur le marketing territorial des territoires mal aimés. La date sera annoncée prochainement.