La "Made In", levier d'attractivité territoriale

Publié le par Vincent Gollain

La "Made In", levier d'attractivité territoriale
Photo de samdja sur Unsplash

J’ai eu le plaisir d’animer avec Ethel Riberolles, Responsable du Club Attractivité de la Nouvelle Aquitaine, une session de son club consacré au « Made in local ». La réunion se tenait le 10 novembre 2022, jour de démarrage du salon Made in France (MIF) à Paris. 

Ethel Riberolles a présenté le Club et ses activités aux participants qui étaient en ligne. Toutes les informations se trouvent sur le site Neoptimiste. Ce club s’inscrit dans le cadre de la démarche partagée et fédératrice lancée en 2019 par la Région Nouvelle-Aquitaine pour co-construire l’attractivité du territoire avec l’ensemble des acteurs qui souhaitent s’y associer : collectivités, entreprises, acteurs touristiques, associations, têtes de réseaux… 
Le club propose à ses membres de prendre part à des réflexions collectives, d’accéder à des rencontres exclusives, de bénéficier de contenus à forte valeur ajoutée, de créer du lien et des échanges, de partager des bonnes pratiques... 

J’ai ensuite effectué une courte introduction en commençant par présenter les principales raisons qui poussent au dynamisme du « Made in Local » : 

  • Pour les consommateurs, le produit local symbolise la qualité ainsi que l’emploi local et la lutte contre le dérèglement climatique (circuits courts de proximité)
  • Pour les entreprises, il permet de mieux connaître son marché de proximité, de limiter ses efforts de marketing grâce au bouche à oreille, de partager des dépenses commerciales et de faciliter le co-branding
  • Pour les pouvoirs publics et associations de producteurs, le « made In » stimule l’emploi local, ancre les entreprises, protège les territoires, etc.

Au-delà du Made in France, les jeunes entreprises peuvent capitaliser sur les appellations locales pour valoriser un savoir-faire et ainsi se distinguer de la concurrence. Perçues comme un gage de qualité par les consommateurs, ces appellations peuvent prendre différentes formes :

  • Les appellations,d’origine contrôlée et protégée (AOC et AOP) et d’Indication géographique protégée (IGP) dans l’alimentation (voir aussi) ; 
  • Les indications géographiques (IG) de l’INPI : 14 homologations fin septembre 2022 (Couteaux Laguiole, Tapisserie d’Aubusson, Porcelaine de Limoges, etc. Voir ici) ;
  • Le label Entreprise du Patrimoine Vivant (EPF – voir ici); 
  • (…)

A ces labels s’ajoutent des labels et marques territoriales qui visent à promouvoir des entreprises, produits, lieux, services, … « Made In ». De nombreuses initiatives se sont lancées en France et à l’international, parfois avec des difficultés à les mettre en œuvre après des espoirs importants au démarrage. Comment s’en sortir ? C’est l’objet de cette réunion du Club et des trois exemples suivants.

Origine Corrèze

Thierry Rouhaud, Chargé de Projet Marque Origine Corrèze du Conseil Départemental de la Corrèze, qui était présent au salon MIF a commencé son intervention en rappelant que la Marque «Origine Corrèze» a été créée en 2019 par le Département de la Corrèze et ses partenaires économiques (CCI de la Corrèze, Chambre des Métiers et de l'Artisanat de la Corrèze et Chambre d'Agriculture de la Corrèze) et déposée à l'INPI, afin de promouvoir et d’assurer une reconnaissance des produits et des savoir-faire de la Corrèze (voir article dédié). 
Thierry Rouhaud a insisté sur le portage public de cette marque ainsi que sur l’esprit partenarial qui la sous-tend. L’objectif n’est pas de faire la promotion globale de la Corrèze mais de ses entreprises et surtout de produits et savoir-faire. En septembre 2022, ce sont 928 produits et savoir-faire de 225 entreprises qui sont promus par la démarche. La participation est gratuite mais pour faire partie de cette marque il est nécessaire que les entreprises déposent un dossier qui sera examiné par l’équipe du Conseil départemental puis, si l’avis est favorable, par un jury composé de 3 collèges (institutionnels, chambres consulaires, syndicats professionnels et de branches). La procédure est rigoureuse mais facile à comprendre et transparente pour les entreprises. Ceci explique son succès.
L’équipe du Conseil départemental a adopté une approche marketing et commerciale pour apporter une réelle valeur ajoutée aux entreprises dans la mise en marché de leurs produits et savoir-faire. Outre la valorisation des produits et points de vente sur le site Internet, 4 opérations majeures sont menées pour promouvoir les produits et savoir-faire : le salon Made in France, le salon de l’agriculture, la Foire aux vins et produits régionaux de Gennevilliers et le Marché de Noël de Nuremberg qui est une référence internationale avec 2 millions de visiteurs. Pour participer à ces événements les entreprises participantes apportent un financement. 
L’équipe du Conseil départemental commence à engranger des témoignages d’entreprises qui ont eu des retombées concrètes de la marque « Origine Corrèze » sur leur visibilité et surtout sur leurs chiffres d’affaires. L’équipe a également noté l’installation d’entreprises en Corrèze afin de bénéficier de la visibilité offerte par la marque. Pour mesure l’impact de la marque « Origine Corrèze », le Conseil départemental a l’intention d’engager prochainement une étude d’impact. 

C’est Creusois

C’est une tout autre approche qu’a présenté Stessy Fourneron, Présidente de la marque « C'est Creusois ». En effet, cette approche est portée par le secteur privé. La marque « C’est Creusois » est issue de 4 jeunes entrepreneurs, qui, après leurs études ont fait le choix de revenir en Creuse. Ils ont fait le constat que la dynamique entrepreneuriale de la Creuse représente une véritable opportunité pour le territoire, mais que celle-ci manque d’un marqueur territorial et d’outils de communication partagée. La marque C’est Creusois a été créée en juillet 2020 pour valoriser les entreprises et les savoir-faire au niveau local et national.
Les entreprises qui rejoignent la marque sont des Adhérents (Créateurs-Artisans d’art / Producteurs / Restaurateurs-Foodtruck / Acteurs du tourisme et du loisir), des Partenaires (secteur bancaire et d’assurance pour soutenir des projets d’initiative locale par exemple) et des Ambassadeurs. Tous ces acteurs partagent les valeurs communes de la marque. Aujourd’hui, il y a plus de 160 adhérents et partenaires. Après un démarrage très rapide du nombre d’adhérents, une stratégie a été récemment mise en place pour affiner le sens de la stratégie collective et le profil des adhérents. L’adhésion est payante avec des tarifs variables selon la nature de l’entreprise. Cette adhésion permet de faire fonctionner la structure mais nécessite d’offrir de vrais services aux adhérents.
Les services aux adhérents sont tout d’abord de leur assurer une visibilité locale, notamment à travers une boutique en ligne qui a été mise en place dès 2020 pour offrir un vrai service à des entreprises locales peu ou pas présentes sur Internet et qui du fait des confinements n’arrivaient pas à toucher tous les consommateurs. Cette boutique reste aujourd’hui un outil particulièrement utile aux adhérents. 
Mais pas seulement, les adhérents sont référencés sur le site internet de C’est Creusois (qui est visité plus de 1500 fois par jour) et sur ses différents réseaux sociaux (Facebook, Instagram) qui réunissent à eux deux plus de 20 000 abonnés, ce qui n’est pas négligeable pour un territoire comme la Creuse.
La marque C’est Creusois travaille en collaboration avec l’agence de communication SYOU, les adhérents bénéficient de prestations promotionnelles. Les adhérents et partenaires peuvent aussi participer à des événements du réseau ou à des rencontres BtoB entre eux pour stimuler les projets d’affaires. Ces moments d’échanges sont particulièrement appréciés et ont permis de développer de nouveaux projets. La marque C’est Creusois n’est en revanche pas une démarche d’attractivité territoriale considérant que c’est le rôle des pouvoirs publics à commencer par le Conseil départemental de la Creuse. Des liens existent car la marque C’est Creusois contribue à la visibilité de produits et services d’entreprises locales. 
A l’avenir plusieurs projets sont en discussion dont un programme de fidélisation entre adhérents mais aussi Pour le consommateur (creusois ou touriste) afin d’inciter à consommer local tout en bénéficiant de tarifs préférentiels. 

L’objectif de la marque C’est Creusois est de connaître et faire connaître les produits et savoir-faire locaux, en un mot faire rayonner la Creuse en local mais au-delà de ses frontières.

Made In Nouvelle Aquitaine

Anne-Laure Dupin, Chef de projet Marketing territorial de la Région Nouvelle-Aquitaine, est ensuite intervenue pour présenter l’approche « Made In Nouvelle Aquitaine » qui a pour ambition de promouvoir par ce concept de communication les savoir-faire, la gastronomie et l’offre touristique.  
A travers une identité visuelle lisible intégrant une collection d’illustrations autour des savoir-faire, de la gastronomie, du tourisme, de la culture et du patrimoine, et une série d’outils, le “Made in Nouvelle-Aquitaine" entend montrer un territoire uni et unique par ses marqueurs et richesse.
Un ensemble d’outils de communication notamment événementiels a été réalisé en plus du site Internet qui est une vitrine virtuelle pour la promotion de l'économie locale. 

Les démarches de « made in local » sont souvent liées aux approches de marketing territorial dont elles constituent parfois un pilier important. En effet, en connectant ces approches ceci permet de créer des synergies importantes tant pour valoriser le territoire que pour dynamiser son tissu d’entreprises locales.

Les présentations et les échanges avec les intervenants ont montré qu’il existe plusieurs voies possibles pour valoriser des entreprises, savoir-faire, produits ou sites locaux à travers une démarche « Made In local ». Il est donc important dès le début de définir le champ d’intervention de cette approche et de se connecter avec les milieux professionnels. 

Une première approche, assez proche de celle de la Nouvelle Aquitaine, consiste à valoriser des compétences locales fortes en association avec les milieux professionnels et de mettre des moyens importants pour offrir une visibilité des entreprises, produits, savoir-faire ou sites retenus. Ceci permet de nourrir l’identité territoriale et surtout de créer des opportunités visibilité et d’affaires aux entreprises du territoire. 
Une seconde approche consiste à se centrer sur des produits et savoir-faire locaux et de valider celles et ceux qui seront retenus à travers un processus de sélection. Ici de fortes différences existent entre les expériences territoriales entre des approches très sélectives et restrictives, souvent centrées sur la notion d’excellence, et des approches plus ouvertes dès lors que le « made In local » est important. L’exemple de la Corrèze offre un exemple intéressant d’un processus de labellisation sérieux tout en évitant une sélection trop forte. Le sujet des produits bénéficiant déjà d’un label, comme une AOP, est souvent traité à part. En effet, souvent ces produits sont, de fait, acceptés au sein de la démarche Made In. Ces approches sont souvent portées par les pouvoirs publics. 
Une troisième approche consiste à mettre en place une démarche centrée sur les entreprises qui vont valoriser à travers une marque (C’est Creusois, Made In Jura) des savoir-faire locaux. Cette approche est souvent portée par une association dirigée par des chefs d’entreprises avec le soutien des pouvoirs publics selon des modalités très variables.
Enfin, une dernière approche, plus rare (IloveNY, Tout commence en Finistère), consiste à utiliser une marque territoriale pour stimuler la création de produits et services locaux porteurs de la marque. Ces produits et services sont souvent élaborés et vendus par des entreprises labellisées ou partenaires. Cette approche s’apparente au merchandising sportif ou de grandes institutions publiques (musées, Présidence de la république, Sénat, etc.). 

Vincent Gollain, décembre 2022

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